De sang-froid
Un métrage, une image : Les Ailes de la nuit (1997)
Toi, jeune homme, ne désespère point
; car, tu as un ami dans le vampire, malgré ton opinion contraire.
Lautréamont, Les Chants de Maldoror
S’il souffre d’une facture très TV, The
Night Flier possède pourtant plusieurs qualités. Produit par Richard Rubinstein, trésorier de Romero (Martin,
1977, Zombie, 1978, Creepshow, 1982), fidèle financier
de films ou téléfilms adaptés d’après Stephen King (Simetierre, Lambert,
1989, Darkside : Les Contes de la nuit noire, Harrison, 1990, le
longuet Les Langoliers), tourné en un mois recta, diffusé sur le petit avant le grand écran, voilà le premier titre et presque l’unique du peu
prolifique Pavia, ensuite signataire d’un obscur Fender Bender
(2016), puis disparu des radars, routiers, clin d’œil à l’item précité, en compagnie de son épouse Julie Entwisle, actrice tout
aussi éphémère, ici castée en Katherine Blair, bientôt patronyme homonyme de
sorcière forestière (Le Projet Blair Witch, Myrick &
Sánchez, 1999). Face à cette dernière, le remarquable Miguel Ferrer (RoboCop,
Verhoeven, 1987, La Nurse, Friedkin, 1990, Twin Peaks: Fire Walk with Me,
Lynch, 1992), lui-même décédé de manière prématurée. Dans Les Ailes de la nuit,
intitulé français astucieux assez, il interprète un gratte-papier de tabloïd, à
transformer fissa les paparazzi de Fellini (La dolce vita, 1960) en
modèles de déontologie, il s’affiche en reflet du photographe dégueulasse maudit
par Romy, car capable idem de
s’immiscer au milieu d’une morgue afin d’y flasher le cadavre d’un garçonnet.
Le reporter patibulaire, metteur en
scène macabre, affirme sa maxime à la débutante convaincante, écœurante (si tu
mendies un ami, achète-toi un chien) : ne jamais croire ce que l’on
publie, ne jamais publier ce que l’on croit, variation de saison, de torchon,
d’instantané d’insanité, de feuille de faits divers à peine digne de servir d’excellente
litière, de formatée, formulée folie, à faire saliver l’étasunienne sociologie,
du fameux pragmatisme du protagoniste de Ford (L’Homme qui tua Liberty Valance,
1962) : au sein de l’Ouest, lorsque la légende devient fait, il faut
l’imprimer, apprise et appliquée leçon via la novice en cruelle conclusion.
Du journalisme au vampirisme, il suffit d’un pas, de plusieurs trépas, les
voleurs de nuit, fi de Saint-Exupéry, volent des vies, se dispensent de (dire)
merci, survivent en morts-vivants, se suivent, se ressemblent, s’assemblent in extremis, (in)humain miroitement. Dario Argento relisant Edgar Allan Poe (Le
Chat noir, in Deux yeux maléfiques, coréalisé
avec Romero, 1990) se souvenait en sus de Weegee et de véritables images
nécrophages décorent le décor de la rédaction du canard à sensation, à la con. Si
King baptise son suceur de sang d’un transparent Dwight Renfield, double salut
à Stoker & Browning (Dracula, 1931), se démarque de Salem,
réintroduit Derry, duplique le sordide et délivre une moralité de métier
mensonger, de jeu dangereux, cancéreux, munie d’ironie, Pavia parvient à créer
un climat adéquat, instaurer un sens de la menace furtive et fugace, susciter
un instant lesté de grâce, scène du ravissement obscène de la victime féminine,
mariée immaculée en train d’assister à l’agonie de sa moitié massacrée de
l’autre côté d’une paroi vitrée, recouverte de l’ombre experte et abjecte.
Modeste et soigné, bien éclairé par David Connell (Le Secret du lac,
Trenchard-Smith, 1986), le duel fraternel carbure à la culpabilité, offre un
enfer en noir et blanc, cafi de revenants, met en abyme un abîme un brin
nietzschéen, se risque au lyrisme, sinon au romantisme et, pour tout ceci, (me)
séduit…
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