Du rififi chez les hommes

 

Un métrage, une image : Sacrifice (2016)

L’accoucheuse fait une fausse couche : talons ou non, ceci s’appelle de l’ironie cruelle. Le couple en déroute quitte vite la ville, au bout du monde mais en famille s’exile. Les Shetland ne manquent de charme ni, hélas, de cadavre. Notre obstétricienne guère sereine s’improvise détective, fait presque coéquipe avec une fliquette peu suspecte, qu’elle sauvera in extremis d’un machiste sacrifice. Si son mec ne s’injecte de l’insuline, puisque contraceptif, il faut se méfier des autres apparences, des parents, partout, tout le temps. Runes et ruines, paganisme et eugénisme, mères porteuses et victimes malheureuses, autant d’émotions et de stations sur le chemin de croix de Tora, fossoyeuse audacieuse, courageuse, qui ne sait peut-être pas planter un clou, plaisante l’époux, cependant décide de déterrer, au propre, au figuré, les multiples squelettes d’une masculinité obsolète. Contre le clan, contre le courant, la collusion des condés, le patriarche enragé, la femme ne désarme, divorce, on suppose, lui revient le mot de la fin, en présence de la police complice, face aux fouilles finales, fatales – toutes ces filles sacrifiées, par des hommes martyrisées, leur cœur arraché de leur vivant, bouillant, hors-champ, un salut à la secte du temple maudit, que combattit jadis un certain Indy (Indiana Jones and the Temple of Doom, Spielberg, 1984), s’avèrent en définitive les filles de quelqu’un, non d’anonymes matrices de culte sélectif, destinées à être fécondées, à enfanter, à souffrir le pire, puis en silence, au su et à l’insu de l’insulaire société, périr. Fable féministe, Sacrifice esquive l’écueil de la misandrie, tous prédateurs, tous pourris, file la métaphore, d’accord, car le médecin malin, au féminin, met au monde l’immonde, découvre illico d’inavouables, inavoués, ancestraux secrets. Au bout de neuf mois, la vie tu donneras ; au bout de neuf jours, mon amour, ta vie tu ne leur offriras, pacte patraque, bien œdipien, d’adoption par procuration. Tout ceci, certes téléfilmé, anémié, se suit sans déplaisir, repose essentiellement sur une actrice éclectique, une Radha ne déméritant pas. De récit Américaine, en réalité Australienne, Mademoiselle Mitchell reprend par conséquent le chemin malsain de l’incestueux thriller, de la médicale horreur, du Phone Game (2002) de Schumacher, du Visitors (2003) de Franklin, surtout du Silent Hill (2006) de Gans, encore un conte de maternité très minée, déterminée, du Eaux troubles (2007) de son compatriote à gros croco McLean, auquel une réplique drolatique adresse un clin d’œil d’indécision d’espèces en situation. Il s’agit aussi de l’adaptation en partie par elle-même d’un bouquin méconnu de la spécialiste du polar Sarah Bolton, quand même récompensée d’un Mary Higgins Clark Award, Madame. Tourné in situ, en sus en Irlande et New York, signé d’un illustre inconnu, à savoir le scénariste britannique, passé au sein de USC, de Flight Plan (Robert Schwentke, 2005), Jodie Foster déjà héroïque passagère, le Sacrifice DTV de Dowling, nul ne l’associe à celui de Tarkovski, distille ainsi sa sexuée malice d’utérus instrumentalisé, nouveau-né convoité, en riquiqui comité singulier, cinglé, d’arrogance, de démence, dialogue donc en sourdine, à distance, avec Rosemary’s Baby (Polanski, 1968), pardi, met en spectacle un outrage en forme d’hommage. Affable et fréquentable, la Tora de Radha dépasse le trauma, héroïne intrépide, magnanime et digne…        

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Les Compagnons de la nouba : Ma femme s’appelle Maurice

La Fille du Sud : Éclat(s) de Jacqueline Pagnol

L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot : Le Trou noir