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Affichage des articles du décembre, 2019

Mister Universo : Arthur

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Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Tizza Covi & Rainer Frimmel. Documentaire de déprime, fiction à frictions, Mister Universo (2017) séduit par sa modestie. On y suit donc un dompteur de lions, au cours de ses pérégrinations, parmi une Italie à transformer la Grèce humide, dépressive, de Theo Angelopoulos, en paradis touristique, à jamais ensoleillé. Si l’aspect parfois sinistre de la vie d’artiste, a priori « comique », n’échappa point au Federico Fellini himself documenté des Clowns (1970), Mister Universo renverse, voire retravaille, La strada (1954), puisqu’il s’achève sur le numéro de la contorsionniste, callipyge, souriante et bien vivante Wendy (Weber), bonne fée au dos fatigué, au chienchien acharné, aussi rousse que la chère Moira Shearer chez les Archers ( Les Chaussons rouges , 1948), certes moins suicidaire, qui veille à sa manière, voyage en parallèle, sur son Peter Pan à elle, le prénommé (et catho) Tairo (Caroli). Auta

À couteaux tirés : Family Business

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Ana (de Armas) et les loups, comme Carlos Saura aux USA… À l’Angleterre les rapports de classes, aux États-Unis les rapports d’espaces : À couteaux tirés (Rian Johnson, 2019) revisite le whodunit , le délocalise sous la présidence de Donald Trump, illustre une lutte de territoire autour d’un héritage-outrage, matérialise ingénument la hantise droitiste du « grand remplacement ». Au creux du manoir, les accessoires servent de miroirs, minutent la mémoire, affichent un factice défouloir. Un mug explicite et drolatique boucle la boucle, une pièce d’argent suspend le temps, un poignard (de) tocard révèle la vérité (de la rapacité). Davantage que son essence importe son usage, philosophe le privé aux initiales dédoublées. À Boston, B(enoit) B(lanc) ne connaît ni Brigitte Bardot, pénible lepéniste, ni La Vérité (1960), justement, de Henri-Georges Clouzot, réalisateur « facho », pléonasme, je te filme, je te gifle. Mais il reconnaît illico le « bon cœur » de l’infirmière latino

The Elephant Man : Le Grand Sommeil

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Mouchoir d’insomnie ? Mouroir magnifique… La cathédrale de Elephant Man répond au dédale de Shining  : en 1980, David Lynch & Stanley Kubrick portraiturent deux freaks , deux créateurs, deux hommes à proximité d’une maquette. Si Jack Torrance s’enlise au sein de l’insanité, John Merrick réaffirme son humanité ; in extremis , ce tandem accède à une sorte de délivrance sidérante, sidérée, sise sous le signe d’une image à miroiter, à intégrer. Le père impuissant, frigorifié, ogre égaré par son extra -lucide Petit Poucet, fait toutefois, photographié, la fête en famille, pour l’infinité du passé, d’un bal du 4 juillet. Le fils orphelin, condamné, décide de se coucher, enfin, en être humain, à l’imitation du gamin du dessin. À l’agnosticisme ironique, fantastique, de Kubrick, succéderait donc le sentimentalisme suicidé, maternel, de Lynch ? Pas vraiment, malgré le redoutable adagio de Samuel Barber, bientôt utilisé avec une délicatesse de pachyderme, justement, par Oliver S

Le Village des damnés : The Wall

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Classe tous risques, délices de l’infanticide, avenir peut-être pour le pire…   Après Crocodile Dundee (Peter Faiman, 1986), revoici donc Linda Kozlowski : rappelons aux amnésiques l’importance des actrices pour John Carpenter, cinéaste féminin, sinon féministe, cf. les compositions primordiales de Lauren Hutton dans Someone’s Watching Me! (1978), Jamie Lee Curtis dans La Nuit des masques ( idem ), Faye Dunaway dans Les Yeux de Laura Mars (Irvin Kershner, 1978, co-écrit par JC), Adrienne Barbeau dans Fog (1980), Karen Allen dans Starman (1984), Natasha Henstridge  dans Ghosts of Mars (2001) et Amber Heard dans The Ward (2011), sans oublier, bien sûr, les contributions déterminantes d’Adrienne Barbeau, bis , dans New York 1997 (1981), Alexandra Paul dans Christine (1983), Kim Cattrall dans Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin (1986), Meg Foster dans Invasion Los Angeles (1988), Daryl Hannah dans Les Aventures d’un homme invisible (1992), Pam G

Crocodile Dundee : Subway

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Avoir ou prendre un ticket , dans la « Grosse Pomme » ou à Sydney… Titre anecdotique, néanmoins sympathique, voire l’inverse, Crocodile Dundee (Peter Faiman, 1986) possède une ( happy ) ending digne d’être souvenue, saluée. Non seulement celle-ci relit/revisite et renverse les retrouvailles/funérailles du tandem myth(olog)ique d’Eurydice & Orphée, dix mille fois mieux que l’imbuvable Monsieur Luc Besson, publicitaire pour la RATP à néons très cons, mais elle constitue de surcroît une modeste, mémorable leçon de cinéma. Cette séquence repose sur un double suspense , puisque le spectateur craint pour la course, redoute la rame. Après un petit papotage entre le portier (de jour) et Mick parti « randonner » (« walkabout », clin d’œil inconscient, quoique, au film homonyme de Nicolas Roeg, autre conte sur la rencontre des cultures, sorti en 1971), surgit Susie, élégante, impatiente, détentrice du gros couteau à la Rambo, symbole phallique (et comique) explicite. Toutefois,

Il primo re : Roma

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Nulle louve fellinienne à l’horizon, mais un chevreuil chassé, dévoré, sans cuisson…   Péplum réaliste, Il primo re (Matteo Rovere, 2019) relit le récit originel de Rémus & Romulus. Davantage qu’à La Passion du Christ ou Apocalypto (Mel Gibson, 2004 + 2006), autres épopées primitives, dépaysantes, aux idiomes d’époque(s) reconstitués, puisque le ciné, art funéraire, fantomatique, les « langues mortes » aussi ressuscite, le film fait penser à La Guerre du feu (Jean-Jacques Annaud, 1981) et au Nouveau Monde (Terrence Malick, 2005). Il s’agit, en effet, d’une réflexion en action(s), sur la société puis la citoyenneté, à base de fraternité, ensuite de fratricide, d’altérité, de religiosité, de piété, de virginité, de sacrifice et d’hubris, de destin et d’émancipation. En dépit d’un déluge dévastant les deux bergers, liminaire, spectaculaire, l’ opus se place sous le signe du feu, assimilé ou non à un dieu, à respecter, ne profane point son cercle sacré, à ranimer, à ali

The Outsider : The Boogeyman

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Vade retro la preuve par l’ADN ; explorons l’impossible, tissons « l’étoffe des rêves ».    To Shula, for sure « That was good » : les derniers mots, en écho, de The Outsider , outre réinstaurer l’ordre du monde, refléter Ralph Anderson réveillé, éveillé (sens spirituel), muni d’un (inoffensif) rasoir, au miroir, domestique, identitaire, résument le sentiment du lecteur (anglophone, anglophile), arrivé, pourvu d’un plaisir permanent, au terme de 475 pages pleines de palpitantes péripéties, tant pis pour la (sempiternelle) petite pique contre Kubrick. King célèbre Coben, l’inscrit au sein de son récit, (trop) parfait alibi , suprême honneur, et son roman transgenre – il ne se soucie des catégories, moi non plus – adopte le découpage express (chapitres rebaptisés par la modernité « unités de lecture ») du prolifique signataire de Ne le dis à personne (et de Dan Brown, diantre, au code concon). Page-turner de froide fureur, The Outsider ressemble à un shaker , dans leque

It Must Be Heaven : Stranger Than Paradise

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             Faire du tourisme pour « Brigitte » (Macron ?), se souvenir de Yasser (« Karafat » !)… « Pas assez palestinien », reproche de producteur parisien, Vincent Maraval monologue, toujours autant keatonien, voire tatiesque, le mutique et cosmopolite Elia Suleiman porte à présent un canotier, sorte de Cézanne sur Terre et dans les airs, peintre impressionniste in situ puis à Paris + New York, voyageur de commerce, le sien, essuyant, hélas, le refus de financement, l’indifférence polie, « ravie », d’une blonde amie – de Gael García Bernal, caméo à propos de Conquête suspecte, projet historique in English , please . Comme auparavant le davantage sentimental Intervention divine (2002), It Must Be Heaven (2019) possède un titre mystique, ironique, se présente telle une placide chronique, aux évidentes qualités plastiques, aux manifestes carences diégétiques. Si ce film, cadré au cordeau, doté d’une belle direction de la photo, due à Sofian El Fani ( La Vie d’Adèle d’Abd

La Féline : A Serbian Film

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Le fretin du Grand Bain (Gilles Lellouche, 2018) ? Davantage la vestale, l’animal… « Je suis une grande fille, maintenant ; je n’ai pas peur » : ainsi Jane Randolph congédie gentiment Kent Smith, décide donc de rentrer seule, après un repas sympa, où papoter à propos d’Irena. Seulement Simone Simon les espionne, glisse en surface d’une glace, s’affiche derrière des fleurs à télégraphier. Les personnages se déplacent à l’unisson, de la droite vers la gauche du cadre. Ensuite surviennent une rue, un lampadaire, un travelling latéral, une séparation amicale. Les deux femmes, les deux rivales, reproduisent à distance un geste similaire, celui de serrer sur elles leur manteau contre la nuit claire, presque polaire. Jacques Tourneur insère un insert de la familière de dos, adopte par conséquent, brièvement, le point de vue de l’étrange étrangère. Nos héroïnes pourraient être prises pour des péripatéticiennes chics, en tout cas au sens étymologique du mot technique : elles arpente