Le Village des damnés : The Wall


Classe tous risques, délices de l’infanticide, avenir peut-être pour le pire…  


Après Crocodile Dundee (Peter Faiman, 1986), revoici donc Linda Kozlowski : rappelons aux amnésiques l’importance des actrices pour John Carpenter, cinéaste féminin, sinon féministe, cf. les compositions primordiales de Lauren Hutton dans Someone’s Watching Me! (1978), Jamie Lee Curtis dans La Nuit des masques (idem), Faye Dunaway dans Les Yeux de Laura Mars (Irvin Kershner, 1978, co-écrit par JC), Adrienne Barbeau dans Fog (1980), Karen Allen dans Starman (1984), Natasha Henstridge  dans Ghosts of Mars (2001) et Amber Heard dans The Ward (2011), sans oublier, bien sûr, les contributions déterminantes d’Adrienne Barbeau, bis, dans New York 1997 (1981), Alexandra Paul dans Christine (1983), Kim Cattrall dans Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin (1986), Meg Foster dans Invasion Los Angeles (1988), Daryl Hannah dans Les Aventures d’un homme invisible (1992), Pam Grier dans Los Angeles 2013 (1996) et Sheryl Lee dans Vampires (1998). Si la version de 1960, due à Wolf Rilla, Juif né en Germanie nazie, ensuite réalisateur britannique, chic, par conséquent pleinement conscient du sous-texte politique de la fable allégorique, imaginée par le romancier John Wyndham, demeure un modèle (satirique) d’économie, narrative, filmique, financière, cependant vite dévalué par l’ingrat (ou aveugle) George Sanders, (re)lisez sa savoureuse autobiographie intitulée Mémoires d’une fripouille, la seconde version, la sienne, délocalisée, mésestimée, y compris par le principal intéressé, délaisse l’anxiété atomique des sixties, son climat de paranoïa, son filigrane de guerre froide, afin de cartographier une small town – motif répétitif de l’imagerie US, Frank Capra, nous voilà, Joe Dante itou – californienne en proie à l’inexplicable, au fécondable, à une mortelle uniformisation (fasciste) en parfaite contradiction avec l’individualisme étasunien de l’auteur, Snake Plissken opine, exeunt les coupes collectives, symboliques, sur le docteur, le curé, de l’originel original.



Outre constituer un fleuron de la pédophobie filmée, qui connut sa diabolique acmé deux décennies précédentes, je renvoie vers L’Exorciste (William Friedkin, 1973) et La Malédiction (Richard Donner, 1976), Le Village des damnés (1995) répond à distance à Assaut (1976), The Thing (1982) et They Live : dorénavant à domicile, en pleine petite ville, son vrai visage d’alien mal intentionné dévoilé, l’ennemi à éliminer possède désormais les traits de bambins aryens, de minots menaçants, sinistrement intelligents, pourfendeurs de parents, dans le sillage des exterminateurs mineurs des Révoltés de l’an 2000 (Narciso Ibáñez Serrador, 1976). Pendant cette séquence de souffrance, le regretté Christopher Reeve veut éviter que la meute de gamins, conduite par une gamine qu’il connaît bien, à laquelle il doit son veuvage, quel outrage, ne parvienne à lire ses funestes pensées, de terroriste improvisé. À l’instar du scientifique de Sanders, il se barricade mentalement derrière les briques d’un mur, pas l’homonyme de Berlin, commencé en 1961, peu à peu transpercé à l’usure, peu avant que la bombe dissimulée dans sa sombre sacoche n’explose, leçon suicidaire, salutaire, introduite, de façon acoustique, par une souffle fantomatique. Carpenter cadre tout cela, ce suspense (d’) horloger, en rime minutée avec celui de High Noon (Fred Zinnemann, 1952), métrage antimaccarthyste, se souvenant en sus d’Auschwitz, western moral, au risque du moralisateur, d’ailleurs détesté par l’admirable et admiré (de JC) Howard Hawks, doté de sa coutumière maestria, remarquez son sens de l’espace, son art de la composition en widescreen, du timing (montage du fidèle Edward A. Warschilka). Il accomplit davantage, il modifie (et féminise) le modèle, il insert un outsider, salut à Stephen King, capable de sentiment, d’humanité, CQFD – David, déjà vieilli, évoque le père de Superman (Richard Donner, 1978), lui-même en partie relecture antinazie, messianique, mythologique, du « surhomme » nietzschéen –, à moins que l’éducation de la directrice d’école, accessoirement sa maman immaculée, préoccupée, venue le chercher de pied ferme, à la ferme, lui porter secours, après les cours, ne suffise à leur sérénité future, en voiture, en quête d’anonymat sympa, pour survivants silencieux.



On le voit, même évacués les yeux verts, mortifères, la fin du Village des damnés s’ouvre sur le doute, contrairement à celle, fermée, affirmée, inversée, de Chromosome 3 (David Cronenberg, 1979), située au même endroit, en auto, au cœur des ténèbres de l’enfance, de la maltraitance. On se souvient que le dépressif The Brood irrita (à tort) les cinéphiles féministes, tandis que Village of the Damned ne subit qu’une indifférence dite polie. On peut le déplorer, puisqu’il s’agit d’un sommet mineur, méconnu, « maudit », indeed, du majeur filmeur/compositeur, co-signataire, ici, d’une musique ad hoc, conclue par un boléro rétro, à la Fabio (Frizzi, Orphée de Lucio Fulci).



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