Crocodile Dundee : Subway
Avoir ou prendre un ticket, dans la « Grosse Pomme »
ou à Sydney…
Titre anecdotique, néanmoins
sympathique, voire l’inverse, Crocodile Dundee (Peter Faiman, 1986)
possède une (happy) ending digne d’être souvenue, saluée.
Non seulement celle-ci relit/revisite et renverse les retrouvailles/funérailles
du tandem myth(olog)ique d’Eurydice
& Orphée, dix mille fois mieux que l’imbuvable Monsieur Luc Besson,
publicitaire pour la RATP à néons très cons, mais elle constitue de surcroît
une modeste, mémorable leçon de cinéma. Cette séquence repose sur un double suspense, puisque le spectateur craint
pour la course, redoute la rame. Après un petit papotage entre le portier (de
jour) et Mick parti « randonner » (« walkabout », clin
d’œil inconscient, quoique, au film homonyme de Nicolas Roeg, autre conte sur
la rencontre des cultures, sorti en 1971), surgit Susie, élégante, impatiente,
détentrice du gros couteau à la Rambo, symbole phallique (et comique) explicite.
Toutefois, aucune féministe castration à l’horizon, bien au contraire, ma
chère. La (jolie) journaliste s’empresse de pister sa proie presque perdue (de
vue), prédatrice complice, sorte de Jane désormais reine de sa jungle urbaine, aux trousses de son
Tarzan d’Australie. Femme forte, pardon du pléonasme, femme lucide – l’amour
illumine, n’aveugle que les malvoyants –, femme en robe rouge et sombres escarpins,
donc raccords avec son sac, ses gants, le chapeau du héros, Linda (Kozlowski)
se déchausse fissa, geste de pragmatisme, de primitivisme, en écho à John McClane
faisant idem face aux chasseurs en
hauteur de Piège de cristal (John McTiernan, 1988). Les plans d’ensemble
assemblent les deux trajectoires contradictoires, les deux mouvements à
contre-courant, il marche, elle court, il descend en panoramique de gauche à
droite de l’écran, elle traverse le cadre de droite à gauche, suivie en travelling latéral, inscrivent la
romance au sein d’une confluence, celle de l’espace américain découpé à plein,
perspectives à la limite du documentaire, masses (de « moutons »
anglophones, de « sardines » francophones) esquissées comme en caméra
cachée, manière habile d’associer ainsi le public, le privé, le sentimental, la
Cité.
Je le répète, ne vous en déplaise,
tout film, a priori le moins politisé, relève du politique, sinon de l’utopique,
et la suite va le confirmer, attendez (les phrases suivantes). Un quidam importun terrassé par un juste
coup de genou dans ses parties, notre irrésistible « fraudeuse »
essoufflée arrive à destination. Sur le quai, la parole précise se déploie en
relais, par procuration, la « Lady » s’adressant à Dundee, si loin,
si proche, salut à Wim Wenders, au moyen d’un Noir (à bandana) et d’un ouvrier
(casqué). Pourtant pas de Village People en sous-sol, pas de Metropolis
(Fritz Lang, 1927) mis à jour, via le
new-yorkais glamour. Spectatrice,
survolée, support improvisé de traversée, remarquez l’éclosion des cordes, la
foule ne s’affole, applaudit plutôt, effet miroir de la salle dans le noir,
succès mérité de « feel good movie », ensuite suivi par deux suites
dispensables. Finalement, les futurs amants se rejoignent, s’embrassent,
s’enlacent, et la scène les immortalise par un arrêt sur image, Mick serrant la
main Black du coryphée magiquement rapproché,
Susie l’enserrant, lui souriant. Aimable couple de cinéma (et au-delà), Linda
Kozlowski & Paul Hogan lient leurs âmes (sœurs) dans le calme, l’énergie,
jamais dans la démonstration, la sucrerie. D’une absolue sincérité, malgré le
cynisme reaganien alors contemporain, d’un élan constant, en partie assuré par
l’excellente partition à l’unisson de Peter Best, la coda nous quitte sur son
romantisme adulte, délesté de tumulte, sur un rectangle corrigeant le triangle
du Cyrano molto mélo de Rostand. En conclusion, mentionnons que ce moment
stimulant, gentiment émouvant, toujours rafraîchissant, doit aussi sa fluidité,
son rythme, sa minutie, au monteur émérite David Stiven, collaborateur de George
Miller (Mad Max 2 : Le Défi, 1981) ou Sam Raimi (Darkman, 1990). Tandis que le reste
du métrage transforme, certes de façon inoffensive, la ville cosmopolite en caricaturale
capitale du crime, histoire de ravir le justicier Bronson (Death Wish, Michael
Winner, 1974), une telle fin illustre un consensus,
à base de démocratie, de solidarité, de pertinente simplicité, l’émotion à
l’instar d’un pont.
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