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Affichage des articles du juillet, 2015

La Marque du vampire : Melancholia

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Derrière les apparences délicieusement effrayantes, la vérité historique (et physique) insupportable ; sous le mythe montré miteux, la tristesse des hommes se sachant mortels…   Dans La Marque du vampire (1935), relecture « parlante » du perdu London After Midnight , Tod Browning, bien avant Hitchcock, Polanski, Craven et Kevin Williamson, pratique l’auto- remake et réinvente le cinéma méta (brillamment exploré, deux ans plus tôt, par Cooper et Schoedsack à la poursuite de King Kong). Le respect rassurant mais provisoire du « cahier des charges » du genre – château hanté, toile d’araignée, cierge phallique, séduisants prédateurs exotiques – vole en éclats durant la coda  shakespearienne : le couple vampirique, gentiment incestueux, incarné jusqu’à la caricature par Béla Lugosi et Carroll Borland, met enfin bas les masques, se défait des accessoires de rigueur (dents et perruque, maquillage gothique). Comme chez Maupassant filmé par Ophuls dans Le Plaisir , la fête s’achève,

Les Caprices d’un fleuve : Mystic River

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Suite à sa diffusion par France Ô, retour sur le titre de Bernard Giraudeau. Comme (presque) tous les acteurs devenus réalisateurs, même le temps d’un film unique, tel celui-ci – on pense, par exemple, à Clint Eastwood, Mel Gibson ou à la radicale et regrettée Christine Pascal –, Bernard Giraudeau dirige sans une seule fausse note (de clavecin) sa troupe de comédiennes et comédiens, dans le huis clos sombre, brumeux et funèbre d’un château parisien, après le parc des duels, dans la lumière orangée du plat territoire africain (tournage au Sénégal) ; il fait preuve d’une semblable aisance devant et derrière l’objectif, grâce auquel il saisit, avec générosité, avec respect, chaque visage, blanc ou noir, dans une égalité (liberté, fraternité) visuelle et fictionnelle ne devant rien, heureusement, à l’égalitarisme des (bonnes) intentions (ou de la caméra, l’un inséparable de l’autre, surtout dans l’actuelle veine dite « sociale » du cinéma hexagonal, bien-pensant et par conséquent

Carnage : Beaucoup de bruit pour rien

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Suite à sa diffusion par France 2, retour sur le titre de Roman Polanski. Maître du huis clos depuis ses débuts ( Répulsion , Cul-de-sac puis Rosemary’s Baby ou Le Locataire ), Roman Polanski filme avec virtuosité quatre personnages dans le salon (et la cuisine entrevue) d’un appartement faussement new-yorkais, décoré à prix d’or, paraît-il, à Bry-sur-Marne, en train de parler pendant une heure vingt : il faudrait projeter cet opus court, récréatif et « en temps réel » dans toutes les écoles de cinéma (pas seulement polonaises) pour analyser le brillant de chaque plan, de chaque cadre, de chaque angle. Tandis que Hitchcock nouait La Corde (pour se pendre) en plans-séquences cousus les uns aux autres – et l’on pense bien sûr beaucoup à cette comédie noire, théâtrale et dérangeante d’un cinéaste déjà cité avec la folie de Catherine Deneuve ou l’errance drolatique de Harrison Ford dans Frantic –, tandis que Fassbinder encerclait Roulette chinoise , pareil petit jeu de massac

Trop belle pour toi : Une esquisse de Jacqueline Bisset

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À quelques semaines de son anniversaire, revenons brièvement mais avec un plaisir certain sur la carrière d’une comédienne complète, appréciée autant dans le cinéma « populaire » que « d’auteur », en VO ou en VF, sur petit et grand écran… La beauté de Jacqueline Bisset, évidente, naturelle, insolemment pérenne , située quelque part entre celles de Katharine Ross et de Marie Laforêt, avec une pointe de Charlotte Rampling (sa compatriote) et de Penélope Cruz (coiffures sexy et robes acidulées), occulta longtemps – aujourd’hui encore ? – son talent d’actrice, pourtant pareillement indéniable. Née à la fin de la Seconde Guerre mondiale (sa mère, d’origine française, fuit vite l’invasion allemande), de nationalité britannique – son patronyme se prononce « Bissit », comme dans « Kiss it », ajoute-t-elle avec malice – mais aussi parfaitement francophone qu’une Jodie Foster (même fréquentation d’établissements scolaires français à l’étranger), ses jambes interminables (qu’elle n’ass

Carnival of Souls : Les Choses de la vie

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Un accident de voiture, une rescapée troublée, la solitude ontologique et le silence assourdissant du monde : brève « virée » sur la Lost Highway en compagnie de Mary et d’Audrey… Dans un article clair, concis et complet, paru un certain 14 juillet ( Hasard ou Coïncidences , se demande Claude Lelouch), Audrey Jeamart, amatrice éclairée de cinéma fantastique – l’occasion de déplorer encore la carence des signatures féminines en ce domaine, derrière la caméra ou devant le clavier –, revient sur Carnival of Souls , film unique (dans tous les sens du terme) signé Herk Harvey, cinéaste-enseignant basé au Kansas, spécialisé dans l’éducatif et l’institutionnel, emporté prématurément par un cancer (il « incarnait » lui-même la Mort ici), par ailleurs naguère remaké dans une production Wes Craven (on en frémit d’avance, mais pas pour les bons motifs).    Ce diamant noir, maudit et modique, « chu » d’on ne sait quel « désastre obscur » (Mallarmé sur Poe), allégorie existentiel

The Woman : Tant qu’il y aura des hommes

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Une famille effrayante de normalité , un père très « fouettard », une captive naturellement libre : l’enfer conjugal et national selon un réalisateur qui ne tint pas, hélas, toutes ses promesses… Tel un conte de fées (pour adultes) aux allures de fait divers, The Woman s’ouvre et se clôt sur deux « rêves ». Dans le premier, une femme s’imagine, se souvient ou s’occupe d’un bébé léché par une louve ; dans le second, une enfant, rescapée d’un massacre ignoré, aborde une île et fait la connaissance d’une créature anthropomorphe, en un court film d’animation ouvert et fermé à l’iris, comme au temps du muet. Le procédé, et le thème de l’apprivoisement qui structure la première partie de l’œuvre, rappellent bien sûr un autre célèbre récit d’éducation : L’Enfant sauvage de Truffaut (tandis que la mer animée après le générique final, avec sa gamine dans la barque, résonne avec La Nuit du chasseur de Laughton). Mais ici, point de docteur ni de « sauvageon » ; le couple de départ co