Les Caprices d’un fleuve : Mystic River
Suite à sa diffusion par France Ô, retour sur le titre de Bernard
Giraudeau.
Comme (presque) tous les acteurs
devenus réalisateurs, même le temps d’un film unique, tel celui-ci – on pense,
par exemple, à Clint Eastwood, Mel Gibson ou à la radicale et regrettée
Christine Pascal –, Bernard Giraudeau dirige sans une seule fausse note (de
clavecin) sa troupe de comédiennes et comédiens, dans le huis clos sombre,
brumeux et funèbre d’un château parisien, après le parc des duels, dans la lumière
orangée du plat territoire africain (tournage au Sénégal) ; il fait preuve
d’une semblable aisance devant et derrière l’objectif, grâce auquel il saisit,
avec générosité, avec respect, chaque visage, blanc ou noir, dans une égalité
(liberté, fraternité) visuelle et fictionnelle ne devant rien, heureusement, à
l’égalitarisme des (bonnes) intentions (ou de la caméra, l’un inséparable de
l’autre, surtout dans l’actuelle veine dite « sociale » du cinéma
hexagonal, bien-pensant et par conséquent mal-filmant).
Si son opus pèche par de multiples imperfections, des maladresses de style
littéraires (les voix off épistolaires des amants
désunis coulant sur l’eau de l’Histoire qui les sépare), une absence de souffle
épique, auquel pouvaient s’attendre les amateurs-bourlingueurs d’aventure, il
vaut aussi pour la qualité de ses défauts,
par sa nature intimiste, quasi abstraite (le générique donne à voir une
tapisserie exotique, en métaphore d’un continent fantasmé).
Giraudeau, acteur/réalisateur/scénariste,
réussit ses plus belles scènes (charnelles) durant les étreintes ou les
caresses, quand son corps blanc, symbole depuis ses débuts d’une virilité
assumée (Rue barbare, Les Spécialistes), plus tard
questionnée par François Ozon adaptant (pas trop mal) Fassbinder, rencontre la
peau noire, impénétrable (sans jeu de mots) de femmes superbes, attachantes et
libres (France Zobda & Aissatou Sow), à l’image d’une terre colonisée,
asservie mais bien trop vieille et sage pour ne pas prendre ce moment – décrit
sans manichéisme ni angélisme, cf. la scène raciste du repas – avec une distance (ou une fatalité) finalement émancipatrice, forme de résistance passive à tous
les caprices des hommes, pas
seulement blancs. La mélancolie humaniste et masculine du film, qui équilibre
sa sensualité adulte, la lenteur volontaire du récit, à l’unisson du rythme
« indigène » (Gainsbourg subit un charme équivalent sur Équateur),
doivent beaucoup à cet homme prématurément disparu, navigateur et marin
terrassé par un crabe (!) dont le nom ne se prononce qu’avec crainte, dont on
garde un souvenir cinéphile radieux, attendri et parfois bouleversant (le
méconnu polar amoureux Poussière d’ange) – Les
Caprices d’un fleuve s’achève logiquement, mais pas désespérément, au
pied d’une tombe féminine, avec un père et un fils orphelins, face à la mer,
face à la mort, qui nous attend tous au-delà des révolutions, des droits de l’homme,
des métissages et des appels irrésistibles, au cinéma ou ailleurs, de l’horizon
inaccessible…
LIGEIA (Maurice RONET, 1980)
RépondreSupprimerhttps://www.dailymotion.com/video/xpudn8
Appréciez au passage, de l'allée aux parages, l'évidente ouverture vaginale des arbres...
Supprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=Y0sss2PfUoE
Exposed 1983 (James Toback)
Supprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=3WSDRbibx_E
https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2020/05/les-griffes-de-la-nuit-sur-la.html
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