Respiro

 

Un métrage, une image : La Dernière Femme sur Terre (1960)

Combat de coqs, au figuré, au propre + apocalypto à Porto Rico = un grand petit film de Corman, à la fois prophétique et eschatologique. Davantage désargenté, moins renommé que Le Monde, la Chair et le Diable (MacDougall, 1959), point préoccupé par de son prédécesseur estimable l’étasunienne « interracialité », le film cartographie ainsi un insupportable paradis, où par exemple croiser au creux du caniveau le cadavre édifiant d’une enfant. Deux avant le lucide et sidérant, (indeed) en(tre) noir(s) et blanc(s), The Intruder (1962), prochain portrait vitriolé d’une Amérique nordiste, en proie de choix du racisme sudiste, le cinéaste, ici assisté de Robert Towne, débutant prometteur, surtout scénariste et rarement acteur, étudie un pays aux prises avec une métaphorique et politique asphyxie. L’écueil du tourisme (sexuel) évacué, celui du vaudeville, y compris dépressif, définitif, aussi, la tension et l’attention se déplacent vers une rivalité non plus « genrée », mais de modèles de société. Evelyn, au diminutif symbolique, désormais autonome, doit décider entre l’affairisme et le légalisme, entre le pragmatisme et l’hédonisme, entre la rudesse et la tendresse. Outre à nouveau démontrer la valeur du réalisateur, sa capacité à créer un climat, à conduire une moralité maîtrisée, placée à proximité du pire, d’un évidé avenir, accessoirement l’indépendance de l’argent et du talent, le métrage d’un autre âge relie le malaise de la jeunesse US des années 50, cf. La Fureur de vivre (Ray, 1955), et les mouvements sociaux de la fin des années 60, leur remise en cause d’un régime matérialiste et masculin, parce qu’il le valait bien, quitte à connaître vite la sombre sobriété des seventies. Écrite au cordeau, incarnée comme il faut, l’odyssée en petit comité se termine parmi une église, seconde chance sans transcendance. Le « foyer » ? Une fable à réinventer.

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