Infection : Hippocrate
Des miroirs, des fantômes, une pomme rouge puis verte...
Film choral et bancal, au formalisme
économique, Infection (Masayuki Ochiai, 2004) démarre en drame social,
devient un thriller dit d’horreur,
puis délivre une conclusion de phénoménologie de la perception. Dans le naturel
décor de la body horror, des
soignants désolants, surmenés, désargentés, vont donc devoir s’occuper d’un
grand brûlé, d’un mystérieux malade mobile et immobilisé, sans cesse annoncé à
la radio par un ambulancier doté d’une sirène presque à la ZAZ, en sus d’un
vieillard au pied fracturé, d’un adolescent casqué atteint de céphalées, d’un
cancéreux désespéré, d’une senior
sénile. Tandis que deux balançoires grincent sinistrement à l’extérieur du
bâtiment, la peur se répand à l’intérieur, virus
placé sous le double signe coloré du rouge et du vert, escorté par une
bande-son bruitiste anxiogène. Fi du sens de l’effort, français ou point,
piètre reproche macronien, la faute survient, médicale et létale. Sur fond de
rapport a priori impartial, il
fallait injecter au méconnaissable cramé tombé du calcium et non pas du potassium,
putain, la lutte des classes express entre
les médecins et les infirmières ne dure guère, le sens de l’honneur domine,
tradition nippone, on décide ensemble de se taire à l’unisson, on compte en
plongée sur la décomposition pour se débarrasser du poison, quitte à
l’accélérer, à la dissimuler, merci aux gros réchauds et tant pis pour la
jeunette incompétente qui écoutait aux portes, pour le minot à masque d’animal,
pour le docteur livide qui piquait un somme peu réparateur à proximité. Sur le
moniteur se manifeste le contaminé, il disparaît, il se devine derrière un
rideau verdi par sa maladie. Tandis que l’enflammé se putréfie, qu’un humilié
s’exerce en solo à la suture, nos conspirateurs dépourvus de cœur glosent sur
la gloire bientôt fournie par l’anonyme en train de se transformer en tas de slime insaisissable, recherché au creux
de couloirs de mouroir, de Nostromo à la sauce Scott.
À son tour infectée par le liquéfié,
l’infirmière en chef pratique une stérilisation de seringues assez spéciale, la
démente s’ébouillante. La voici évocatrice sous sa bâche isolante à la Laura Palmer,
solitaire mutante à la main désarmante, tendue vers la caméra juchée sur sa
grue. Ensuite, la fifille jadis atteinte d’asthme scolaire, exclue et instable,
instable car exclue, se suicide aussitôt, en se piquant en stéréo, appréciez le placement de produit pour Marlboro, fine baudruche
remplie de chlorophylle. Un spectre maternel, en kimono, à bouquet, étêté,
apparaît, suivi par un confrère de repentir, vous ne deviez pas vous acharner à
me guérir. Cerné par ses collègues cinglés, mention spéciale à une transfusion infâme, l’hôpital à bout de souffle et de ressources à présent métamorphosé en asile
esseulé, assombri, comme englué dans une nuit infinie, le pauvre Akiba, aux
abois, confronte une dernière fois son Machiavel d’Archipel, incarnation de culpabilité à contre-courant, ricanant, et découvre qu’il
s’adressait en réalité très altérée à son reflet. La doctoresse Nakazono ne croit pas un mot de son
récit d’antre de la folie, s’inquiète du scalpel dont il se sert sur lui-même
afin de vérifier sa bonne santé, de voir de ses yeux malheureux la rassurante couleur de son courant de vie rubis. Une
étiquette nominative implique une hallucination de saison, individuelle plutôt que collective, corroborée par un
jeu de rôle pas drôle en POV de patient impatient et surtout des cadavres avérés en série, assortis d’un extrait
de JT. Mais la raison raisonnable ne saurait triompher, la survivante à l’écart ne résiste
à la vision verdâtre du miroir, alors qu’une armoire en métal abrite une mimine
à montre reconnaissable, vestige de maquillage d’un homme en blanc
définitivement enfui, en effet. Dehors, ça se balance encore et une chanson de pop japonaise accompagne le générique
final de cet ouvrage intrigant et insatisfaisant, stimulant et inconsistant. Un
rapide diagnostic ? Disons un certain ciné asiatique, satirique, climatique, in extremis anémique.
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