Une aussi longue absence

 

Un métrage, une image : Les Amants de Teruel (1962)

« Un spectacle de grand art » beugle le bonimenteur, porte-parole du responsable de l’aussi empesé Les Sorcières de Salem (1956). Hélas pour lui et surtout le spectateur, tant pis, gentille Jacqueline, rien de moins poétique que la pseudo-poésie autoproclamée de cette longuette pièce montée à Cannes primée d’un accessit technique. Vous connaissiez ceux de Vérone, voici des amoureux maudits de quasi Andalousie, dont le destin, vous le devinez bien, ne possède rien de serein. Yseut d’Espagne, la silencieuse Isa paraît une Pénélope de mélodrame médiocre et son attente miroitante ne saurait être clémente. Outre se permettre de plagier l’épilogue à plongeon des Chaussons rouges (Powell & Pressburger, 1948), avec déjà la juvénile Ludmila, Les Amants de Teruel essaie de ressusciter le romantisme dépressif de la décennie du supposé « réalisme poétique », sinon de singer la dialectique des apparences et de l’existence du Carrosse d’or (Renoir, 1952). L’autarcie du studio et de la scène, espace d’impasse éclairé en désaturé de désespoir par un second Renoir, pouvait viser la dimension méta à la Boris Godounov (Żuławski, 1989), pourtant s’apparente plutôt à une captation de produit culturel à la truelle. Face à ces fadaises fadasses, on adouberait presque le sympathique et anecdotique Orfeu Negro (Camus, 1959) en modèle de dynamisme, on validerait vite l’envie de s’aérer, d’aller vers la nouveauté, de la discutable « Nouvelle Vague ». Ce cinéma-là, apprêté, pasteurisé, désincarné, un comble quand on se soucie de danse, a fortiori filmée, on le reverra longtemps après, durant le diptyque emphatique et anémique des baudruches de riches, au lyrisme risible, nommées La Lune dans le caniveau (Beineix, 1983) puis Les Amants du Pont-Neuf (Carax, 1991), leurs misères imaginaires munies de moyens de millionnaires, à l’instar de Germinal (Berri, 1993). Du naufrage d’un autre âge, on se doit cependant de saluer la grâce aristocratique de la productrice et tovarich Tcherina, autrefois magnifiée par les chers Archers (Les Contes d’Hoffmann, Powell & Pressburger, 1951), et le thème mélodique, mélancolique, de Míkis Theodorákis. Transposition d’une représentation de 1959, Les Amants de Teruel fuit le neuf et s’enferre au sein de son superficiel et factice despair. La « composition métaphorique » succombe à l’écran, se casse la figure, frise l’imposture, même chez Eisenstein, le vrai-faux travelling circulaire de l’ultime étreinte évoque le toc des Uns et les Autres (Lelouch, 1981), l’assassinat applaudi pâlit face au happening frénétique et tragique de Phantom of the Paradise (De Palma, 1974). Au bout du Rouleau, « le nain Roberto », la dingo, la loco, illico

Commentaires

  1. Un film désuet avec des longueurs, car de nos jours on ne sait plus prendre le temps de regarder ni regarder sans comparer, je suis heureuse de parvenir à y déceler de beaux moments poétiques et lyriques même si cela frise le cliché parfois,
    l'époque actuelle est tellement totalement dépourvue de poésie et de candeur...

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