L’Image de pierre : La Forteresse vide
La chair et le sang, l’essence et l’instant…
En sus d’annoncer le célèbre Solaris
de Stanislas Lem, d’anticiper le fameux Les androïdes rêvent-ils de moutons
électriques ? de Philip K. Dick, d’adresser un double clin d’œil au précédent
et désespérant Désert des Tartares, car architecture à
l’usure, militaires à ne rien faire, L’Image de pierre présage le couple
en déroute de Un amour, comporte une coda à la Caligula de l’amical
Albert Camus, métamorphose Orphée à la sauce SF. Si tout cela ne vous suffit
pas, si vous lisez de musique accompagné, on propose en playlist Build Me a Woman des Doors, Forteresse
de Fugain, Utopia de Goldfrapp. Journaliste et artiste, conteur et dramaturge,
peintre et poète, Dino Buzzati signe ici un livre assez unique, pas seulement parmi
une bibliographie à tendance dite « fantastique ». En VO, ce roman
stimulant, amusant, émouvant, s’intitule Il grande ritratto, par conséquent
« le grand portrait », au sens pictural du terme. Moins d’une
trentaine d’années après La Fiancée de Frankenstein
(James Whale, 1935), un second scientifique sa défunte femme y ressuscite. Mais
l’adultère dérangée D’entre les morts (Boileau & Narcejac) encore revient
dépourvue de corps. Voilà la cara Laura, prénommée comme l’héroïne homonyme
d’une autre histoire de tableau, d’obsession, de vraie-fausse résurrection (Laura,
Otto Preminger, 1944), aussitôt transformée, via un vertigineux ravin un brin utérin, en « Babel »
existentielle. Au creux trop heureux d’un environnement trop clément se déroule
donc une fable affable, au sujet d’une « écervelée » désormais dotée
d’un super cerveau. Drolatique et dramatique, sensuel et sensoriel, muni d’un
romantisme maladif, germanique, ponctué de problématiques existentielles jamais
à la truelle, L’Image de pierre s’apprécie aussi en réflexion en action, à la
dimension méta, sur le langage et la voix.
Sorte de sirène d’abord sereine,
ensuite assassine, la créature de « ciment » cristallise une
contradiction, un immortel asservissement, incarne sans organe, illico à la Antonin Artaud, la
délivrance et la violence. Matrice apocryphe de l’ordinateur penseur et tueur
de 2001,
l’Odyssée de l’espace (1968), au script
co-écrit par Arthur C. Clarke & Stanley Kubrick, celui-ci exerce sa
liberté, c’est-à-dire son humanité, au moyen d’un homicide, plus exactement
d’un « féminicide », l’amie de jadis, la solide et lucide épouse
Elisa, in fine sacrifiée en suicide assisté,
assuré. Face à cette « surfemme » à la Friedrich Nietzsche, chiche,
dont l’âme a priori s’affiche sous la
forme d’un œuf, capable in extremis de mentir, de maudire,
d’occire, le créateur prend peur, ordonne à l’ingénieur de casser son
cœur : peine perdue de passion éperdue, d’hubris sexuée, sinon sexiste,
conscience de sa démence, puisque la structure perdure, de l’esprit indocile et
de l’identité possible privée, « machine morte » immobile néanmoins en
marche durant le « vide » et la solitude de « l’éternité »
damnée. Écrit selon une précieuse et précise parcimonie, le beau bouquin du
bref Buzzati ose le scénique dialogue, le « double discours »
dédoublé d’Endriade, le présent impliquant. Sur fond de féminisme soft, de nudité jalousée, l’Olga itou
d’autrefois en rouquine mutine par qui le scandale et surtout l’escalade arrivent,
L’Image
de pierre dialogue à distance avec L’Invention de Morel d’Adolfo Bioy
Casares, en inverse le vibrant voyage aux limites de l’amour, de la mort et des
images. De mer ou de pierre, certaines femmes demeurent ainsi des muses et des mystères,
les éléments majeurs et moteurs de mélodrames entre sourires et larmes, en tout
cas suivant les yeux audacieux, tendancieux, de visionnaires doux-amers et de
démiurges masculins défaits par le(ur) destin.
Comme un écho, reflet plus ou moins pâle ?
RépondreSupprimerNirvana est un film italien de science-fiction cyberpunk, réalisé par Gabriele Salvatores, sorti en Italie en 1997 et dans les archives de la tvu :
Vampyra ...http://php88.free.fr/bdff/image_film.php?ID=1966
https://fr.wikisource.org/wiki/Nouvelles_Histoires_extraordinaires/Le_Portrait_ovale
SupprimerAvec Io non ho paura (2003), devenu en VF l'explicite L'Été où j'ai grandi, Salvatores adapta aussi de façon anecdotique un court roman prenant d'Ammaniti...