L’Écureuil rouge

 

Un métrage, une image : Quand passent les cigognes (1957)

Sur le style si salué de ceci, je ne redirai pas ici ce que j’écrivis jadis au sujet de Soy Cuba (1964), à vous d’aller voir ou pas. Par contre, il paraît pertinent, puisque personne ne semble s’en rendre encore compte, plus de soixante ans après, de souligner que Quand passent les cigognes ne diffère pas tant du cinéma russe d’avant, qu’il déploie un « dégel » à la truelle. Via la caméra véloce et virtuose de Kalatozov, l’opus propagandiste doit donc nous édifier d’une façon différente, fi du désormais affreux « réalisme socialiste », voici le lyrisme soviétique de festival, récompensé à Cannes, applaudi à l’international. Au bon Boris, ouvrier volontariste, soldat volontaire, s’oppose ce salaud de Mark, pseudo-compositeur planqué à proximité de profiteurs patentés. Entre les deux amoureux, l’un merveilleux, l’autre ignominieux, s’affiche puis s’affirme la même femme, héroïne du militaire mélodrame à la louche à faire chialer notre émotif Lelouch et la mère Huppert, misère, allégorie jolie de la sacro-sainte, résistante, résiliente, Russie. Pendant que se prend pour un émule de Raimu (La Femme du boulanger, Pagnol, 1938) le père paternaliste du « porté disparu », trépassé à cause d’avoir corrigé, sur ordre accompagné, un harmoniciste leste et cependant sincère (condoléances), solidaire, ralenti naufrage du mental et fantasmatique mariage en prime, Veronika, dotée de son voile des illusions, amitiés à Somerset Maugham, dommage pour celui du révéré visage d’une fameuse crucifixion, se désole, se soumet, se dessille, s’active, finira par offrir des fleurs de bonheur, au cours de la coda chorale, joviale et lacrymale, petit speech pacifiste compris. A priori adultère et en vérité violée, à fond orpheline et infirmière, elle songera aussi à se suicider, en mode Anna Karénine, tradition locale de train fatal, mais heureusement un esseulé minot, prénommé Boris, bis, sur le pont et le point d’être renversé, vite adopté, par une auto, la ramène à elle-même, à son sens des responsabilités, ensuite de la maternité. « Éternellement vivants », postule l’intitulé de la pièce du dramaturge scénariste, les hommes tombés au champ d’horreur en raison d’invisibles « fascistes » méritent un « monument » avec leurs noms gravés en « lettres d’or » et un film à palme homonyme, chiche, tovarich ? Dans le ciel, les volatiles s’en fichent, la vie se poursuit, vaut la peine d’être vécue, entendu ? En 2021, de cette mélasse ostentatoire et sucrée surnagent en définitive la face et la grâce de Tatiana Samoïlova, qui incarna au passage l’Anna K. supra, qui fila fissa au théâtre, dont acte. À part ça, nada sur les exactions de la nation, du sentimentalisme « formaliste » confondu avec des filmographies affranchies.

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