Tom et Jerry
Un métrage, une image : Fair Game (1986)
Exercice de style habile, jadis jugé
misogyne, aujourd’hui félicité féministe, Fair Game s’avère vite un
ouvrage toujours divertissant, un opus
jamais complaisant. S’il bénéficie du beau boulot du directeur photo Andrew
Lesnie, ici à ses débuts, ensuite partenaire de George Miller (Babe,
le cochon dans la ville, 1998) et surtout de Peter Jackson, éclairant
son épuisante pentalogie de tolkienneries, son remake à la con de King Kong (2005), son
adaptation du bouquin à succès d’Alice Sebold (Lovely Bones,
2009), Fair Game vaut avant tout pour la
découverte de la svelte Cassandra Delaney, actrice furtive dont la performance
physique suffit à lui assurer une méritée renommée, pas qu’auprès du guignolo
Quentin Tarantino. Traquée par trois connards guère queutards, plutôt portés
sur le massacre motorisé de kangourous nocturnes, équipée bleutée, patraque,
très à la Razorback (Russell Mulcahy, 1984), notre soigneuse de
sanctuaire se transforme fissa en fossoyeuse de cimetière. Après une course
maousse à la « Mad Max », la voici au village, aussi artiste
esseulée, au tableau par l’un des tourmenteurs acheté, olé. Il fait chaud, elle
se rafraîchit donc au ventilo, telle la Michèle (Morgan, évidemment) des Orgueilleux
(Yves Allégret, 1953), dorsale nudité allongée, en clair-obscur cadrée, en écho
à la Vanessa Paradis pareillement picturale de Noce blanche (Jean-Claude
Brisseau, 1989). Les fichues photos foutues au frigo confirment la
contre-plongée piégée sur le creux de ses cuisses lisses à l’épicerie, pourtant
pas de rape and revenge à l’horizon,
juste de la farine envoyée à la face du voyeur à l’occasion. Survivante de survival à serpent insinuant, l’intrépide
ne s’appesantit sur le cadavre dépouillé
au volant placé, muselle les armes en sculpture impure, se voit métamorphosée en
trophée, en proue topless de capot
phallo. On laisse au lecteur le plaisir d’apprécier in situ le triple trépas
consécutif, châtiment bon enfant commis à l’électricité, à l’enclume et au
cocktail Molotov. Avec dans les bras sa blessée Kyla, Jessica in fine
s’enfuit du refuge et Fair Game se fiche de
sociologie, de psychologie, Dieu du cinéma merci. Sans argent ni temps, pas
sans talent, Mario Andreacchio, idem
débutant, délivre en définitive une violence inoffensive, un conte
comportementaliste au décor éloquent, une comédie noire à contre-courant du
désespoir. Cassandre de ses tortionnaires décérébrés, de BD, Cassandra ne
recule pas, défend son territoire, quitte à en faire un mouroir. À l’injuste
jeu dangereux, à la chasse dégueulasse, la dame douce et dure perd peut-être une
partie de son âme, comme sa consœur créatrice et destructrice de Sudden
Impact
(Clint Eastwood, 1983).
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