Così fan tutte

 

Un métrage, une image : La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil (1970)

Samantha Eggar s’égare, Stéphane Audran descend son amant, Oliver Reed déprime : l’ultime film de Litvak s’avère un road movie dédoublé, inversé, où deux dames dissemblables prennent la même (auto)route de déroute. Trois années après l’enquête et l’obscurité de La Nuit des généraux (1967), le cinéaste cosmopolite s’aère au soleil, fait s’affronter le couple de compatriotes de Chromosome 3 (Cronenberg, 1979). Au terme d’une première décennie, sur le seuil d’une seconde, l’opus pépère, pas une seconde révolutionnaire, daté, d’époque, cf. son générique psyché, pop, affiche un filigrane féministe, puisque Dany & Anita agissent, sévissent, puisque Michel & Philippe réagissent, subissent. L’impuissance de l’épilogue peut frustrer une certaine masculinité, mais le deus ex machina des bulletins de salaire similaires impose la primauté du supposé « deuxième sexe » et développe la position de voyeur à douleur du mari démuni. Tandis que celui-ci met en abyme le metteur en scène, met sur pied, au pied levé, une machination malsaine, visant à sauver son épouse portée sur les multiples partenaires et la vénère Winchester, pas celle de James Stewart chez Anthony Mann, presque, à inculper sa secrétaire décrétée suicidaire, témoin au quotidien de l’outrage du cocufiage, le complot des apparences en stéréo, censé la rendre illico dingo, autorise le vétéran tout-terrain à (re)visiter une France d’autrefois, festive, à feux d’artifice de Bastille Day, comme ils disent outre-Atlantique, au creux de laquelle remarquer les caméos rigolos de Bozzuffi en pompiste et Fresson en camionneur. Co-dialogué en anglais par la plume de la militante Eleanor Perry (The Swimmer, Frank Perry, 1968), basé sur un bouquin de Japrisot Sébastien, romancier lui-même marseillais, passé par la publicité, le ciné, au côté de Clément, Jaeckin, Jean Becker notamment, La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil manque de style, de surprise(s) et de dynamisme, en dépit des pistes (auto)mobiles du grand Michel, dont une séduisante chanson de redirection interprétée en français par la pétulante Petula Clark. Le publicitaire dépassé par sa proie « imprévisible » se voit vite obligé de (re)jouer à fond au sein de sa fiction, d’assister à du sexe estival, sudiste, sixties, auto-stoppeur en chaleur puis voleur rempli de rancœur, car l’expérience improvisée d’une relative et illusoire liberté, surtout en matière de mouvement, d’accouplement, ne saurait se dispenser du prix à payer, ici celui d’une fausse identité, d’un homicide hérité. Néanmoins, point de moralisme en train de condamner du week-end guère godardien l’hédonisme, plutôt la mélancolie discrète d’un désenchantement déjà là, présent.

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