Change pas de main : Monamour

 

Baiser, se faire baiser, « se soumettre », se faire mettre, turpitudes de solitudes…

Cinéaste cinéphile, Vecchiali délivre un mélodrame maternel et « romanesque », au féminisme à main armée assumé. Il s’agit aussi d’une réflexion en action(s) et à l’accordéon, (re)voilà Azzola, en particulier pendant la coda conçue comme une bande-annonce rétrospective, à propos de la pornographie, disponible désormais sur un site spécialisé, quelle (cruelle) logique ironique. Dommage pour Dietrich & Sternberg (Shanghai Express, 1932), on songe davantage au doux-amer Fassbinder et in extremis à Melville, puisque aube idem livide, à reflet refusé. Au sein (malsain) de ce récit à multiples péripéties, à base de chantage à tous les (bas) étages, sans omettre un zeste d’inceste à « Domino » marteau et un clin d’œil à Manon Lescaut, Howard Vernon s’y colle, où défilent une « détective juive » intuitive et intrusive, un gradé d’Algérie en cercueil et fauteuil, une ministre « arriviste » et infanticide, un fils taré, travesti, sadique et nécrophile, plus une pelletée de personnages entre outrage et naufrage, dont un tandem d’homosexuels, dessoudés à la suite, se déploie donc une artificialité infusée de lucide sincérité. Le titre explicite et programmatique pratique la paluche à l’impératif et le fatum du (au) futur, du poste en portefeuille à l’Agriculture : « change pas de main » devient via le générique ludique « change pas demain ». Durant deux instants séduisants, le cinéaste associe triolisme et lyrisme, partouze et parade. Mais malgré l’humour de l’ensemble mis à distance domine un sentiment insistant de méta mélancolie. Vecchiali ne joue pas au juge de son temps parfois en effet désolant, ne condamne à aucun moment ses performeuses et performeurs du moment, cependant cette version souvent souriante, divertissante et inversée de L’important c’est d’aimer (Żuławski, 1975) parvient à saisir la tristesse presque intrinsèque d’une imagerie rarement misogyne, toutefois ici fournie en filmés (au carré) et mis en abyme « féminicides ».


Serviteurs de plaisir à loisir ou fournisseurs du pire, du mourir, les hommes en somme méritent l’instrumentalisation, l’insoumission, l’extermination. Manichéen point trop, cf. l’aimable et estimable mari du co-scénariste Simsolo, l’item magnifie des femmes fréquentables, fortes et folles. Voici en définitive un métrage de son âge, un film d’asphyxie, à la politique du pouvoir, du corps, du décor, décrite de manière laconique, « tout le monde trompe tout le monde », indeed, qui fait rimer masturbation, émotion, fellation, exécution. À nouveau (Témoin muet, Waller, 1995) la pornographie dévie vers le snuff movie, à nouveau la « petite mort » côtoie la « grande », coexistence de l’onanisme et de l’oraison, suicide au creux des cuisses en variation de celui des Valseuses (Blier, 1974). Opus libre et intrépide, « présenté » et par conséquent produit par le Jean-François Davy du pareillement dépressif, pour d’autres rasons, Exhibition (1975), caméo de Claudine Beccarie compris, Change pas de main (1975) mérite largement son exhumation et mon admiration, de « compatriote » ou non, propose en sus, en svelte remède à la morosité de notre modernité, la tendresse espiègle de Myriam Mézières & Nanette Corey, escortées par le tango pertinent de Roland Vincent et des fondus enchaînés ou au noir en feux de joie fugace et d’infini désespoir. Au terme de son enquête suspecte, tout sauf obsolète, Mélinda marche et crache sur sa face sur la glace, écœurement de miroitement, à rapprocher de l’insigne de policier lancé par le (faux) calme Callahan (L’Inspecteur Harry, Siegel, 1971). À la traversée des apparences, des souffrances, à la (tragi-)comédie macabre des « masques » et des minables succèdent une sorte d’errance, l’épuisement d’un désenchantement un brin pasolinien, les présences de la régulière Hélène Surgère, de la suave Sonia Salvange, de l’assistant réalisateur/traducteur Jean-Claude Biette (Salò ou les 120 Journées de Sodome, 1976) bien sûr pas pour rien.

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