L’Année sainte
Un métrage, une image : Un flic voit rouge (1975)
Un acteur et une actrice aux traits
lisses, issus illico du roman-photo ;
deux lignes narratives a priori indépendantes, en définitive
réunies sous le signe de la dépendance ; du manichéisme à la place de
l’anticapitalisme : le film de l’ancien directeur de la photographie
affiche de factuels défauts, toutefois il affirme en sourdine un spleen spécifique au ciné des seventies, un lancinant désenchantement
en signe des temps, une violence sèche qui le rachètent, le munissent d’une
mélancolie made in Italy, non démunie
d’amour ni d’humour, d’action ni de réaction, ainsi rétive à la stérile sociologie,
que soulignent certaines notes habiles et ad
hoc du second Stelvio, revoici Cipriani. Succès à sa sortie en salle,
premier volet d’un diptyque, Mark il poliziotto portraiture durant
quatre-vingt-dix minutes d’épure un policier singulier, désigné/défini selon
l’exotisme d’Amérique de son prénom, le pragmatisme expéditif de sa fonction.
Étudiant tabassé en 68, envoyeur de CV ensuite, en partie formé aux
États-Unis, des mœurs remercié à cause d’un député porté sur les prostituées,
notre beau anti-héros, aussi sombre que Delon, aussi cool que Clint Eastwood, ne se la coule douce, s’épuise à poursuivre, au propre et au
figuré, en véhicules français, SVP, l’inoxydable Lee J. Cobb, déguisé en
industriel très suspect, nostalgique de la Suisse. Plein contemporain de l’opus franco-italien et plus rigolo de Jean Girault, auquel le titre de cet article adresse un clin d’œil d’occasion,
en situation, Un flic voit rouge se soucie en sus de poupée piquée, « bambola
di droga », commerce en contexte et itou en bouteille d’oxygène, via des « souvenirs du Vatican »
destinés aux States, reflet de French connection dissimulée donc en mercantile religion. Le spécialiste
des stupéfiants dispose d’un partenaire bon enfant, vieux de la veille et
bientôt cadavre d’habitacle, puisque ripou relou, motard de corbillard,
écrabouillé de camion en conclusion. Avant le dénouement, fusillade massacre en
compagnie d’un jeunot dégourdi, scientifique photographique aspirant à mettre
en pratique la balistique, Mark rencontre Irene, grande fifille de bonne
famille, à mère amère et lettrée, esseulée, ulcérée par ses fréquentations
d’autodestruction. La jeune femme heureuse et morose succombe à domicile à une overdose, de quoi faire aussitôt accuser
le dépressif poulet, séducteur doté d’un cœur, incapable de la situation
profiter, de l’addict abuser, la
demoiselle en détresse, il ne la baise, elle le regrette presque, anti-héroïne
accro à l’héroïne, à la fin fatidique déjà là dès sa découverte sidérée, à
proximité d’un macchabée mouillé, au curare exécuté. Tandis que le supérieur de
l’invincible fait bien sûr grise mine, aux prises avec un avocat, une série de
trépas, un ex-détenu allemand du
service reprend, hitman à Milan, souffrant de sérieuses céphalées, sur le capot de sa bagnole recta crucifié, par le flic peu propice
à pardonner les coups filés à sa pudique protégée. Le film de l’appliqué mais
impersonnel Massi, que co-écrivirent Adriano Bolzoni, collaborateur régulier de
Corbucci & De Martino, l’incontournable Dardano Sacchetti, fit de
l’éphémère Franco Gasparri une star
locale, pourtant la tout autant météorique, en raison de raisons moins dramatiques,
Sara Sperati (Salon Kitty, Brass, 1975) remporte la
partie, cristallise la crise de gueule de bois de ces années là-bas, entre
l’étau du cynisme, adieu à l’idéalisme, et du terrorisme, menace d’impasse. L’item superficiel et néanmoins amène se
termine au sous-sol, sur une stupéfaction face à un sourire, la victoire in fine
du méritoire justicier. Il exsude cependant une tristesse d’antan, celle d’une
jeunesse européenne aux cheveux longs, à la vie brève, impossible de se sevrer,
de dépasser le sinistre passé, puis plongée parmi un présent éprouvant, une
atmosphère délétère, paraissant, plus que jamais, (in)changées, d’actualité…
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