The Head Hunter : Father and Daughter


Une profession, une obsession, une résurrection, une transplantation…


En vérité subjective, voici une valeureuse vendetta béhavioriste, au final ironique, sinon inique. Un chasseur royal, ermite qui décapite, devient vite un père amputé, qui attend impatiemment le retour au long cours du maudit ennemi. On le sait depuis une éternité, la vengeance s’avale froide, quitte ensuite à vous étouffer. Ici, perdre sa fille équivaudra, en définitive, à perdre la tête, de façon littérale, à siéger en silence, en absence, parmi les chefs des trucidés fichés sur les pieux du tableau de chasse établi à domicile, sourire satisfait du propriétaire funéraire à la clé. Auparavant, le petit cadavre profané de l’enfant servira de véhicule à une tête obsolète, très dentée, munie d’une queue à la Alien (Scott, 1979). The Head Hunter (Jordan Downey, 2018) se situe par conséquent au croisement de Conan le Barbare (John Milius, 1982), de The Revenant (Alejandro González Iñárritu, 2015), de Predator (John McTiernan, 1987), de Simetierre (Mary Lambert, 1989) mais possède de facto sa propre et séduisante personnalité. Il s’agit d’un film indépendant, à chaque pensé plan, d’un métrage sans argent, pas sans talent. Tourné en un mois, en numérique, en équipe réduite, en partie au Portugal, The Head Hunter articule un contraste entre la douceur de l’environnement, de la lumière et la dureté de l’argument, de l’amer. Le réalisateur/maquilleur/monteur/co-auteur/co-producteur ne joue pas au farceur, encore moins au malin, il prend son temps, il privilégie le détail signifiant, il capture la routine de la traque, l’énergie noire animant le survivant en sursis, à l’écart de la joie d’autrui.  

Quasiment mutique, carrément climatique, immédiatement mélancolique, The Head Hunter repose pour une grande part sur les larges épaules de Christopher Rygh, colosse scandinave comme né pour ce rôle, pourtant incarné, au propre, au figuré, loin de sa Norvège natale. La scène liminaire du sommeil troublé de la gosse emmitouflée lui permet de discrètement démontrer sa tendresse, aussitôt contrebalancée, presque niée, par ses deux mains ensanglantées. Précisons à l’instant que le cinéaste ne fournit nul renfort de gore, chérit le hors-champ, les délices de l’ellipse, pas uniquement pour des motifs économiques. Au spectateur de compléter le puzzle audiovisuel, son imaginaire, on l’espère, fera l’affaire. Bien secondé par l’amical DP Kevin Stewart, par ailleurs co-auteur/co-producteur, remarquez les clairs-obscurs éclairés, éclairants, par la partition à l’unisson de Nick Soole, Jordan Downey tire le meilleur, le plus prometteur, avec ses yeux, avec son cœur, des trente mille dollars mis à sa disposition, des soixante-dix minutes de l’opus. De cette collection de décollations tout sauf à la con, plutôt conseillée, retenons un singulier collier, par exemple composé d’une pointe de flèche psychopompe, lancée, retombée, rétribution de l’athée ; d’un cheval décédé, devenu macabre jouet taillé ; d’un bain chaud en pleine nature, pour se purifier de la pourriture ; d’une fenêtre suspecte, qui bat, renverse un bocal, ranime l’adversaire et inverse le rapport de force ; d’un affrontement désarmant, au creux d’une crevasse dégueulasse ; de la succession des saisons, hiver austère monté cut sur un printemps en faux-semblant. Allez, à vous, désormais, d’assembler le(s) vôtre(s).


Commentaires

  1. Question en forme d'écho Predator...?
    "Traquer les corps dans « Il n'y aura plus de nuit »
    https://blogs.mediapart.fr/il-ny-aura-plus-de-nuit/blog/160621/traquer-les-corps-dans-il-ny-aura-plus-de-nuit

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    Réponses
    1. https://www.youtube.com/watch?v=w1BH0uPIruQ
      https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2015/11/mon-nom-est-personne.html
      https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2018/09/lil-qui-ment-voir-savoir-pouvoir.html

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