The Hitman : I Spit on Your Grave


Lucien Lacombe ? Disons « Andre », délesté d’accent, doté d’un coup de sang…


Pour mon père

Dans ce (télé)film méconnu commis en pilotage automatique par son frère Aaron, remarquez in extremis trois autres homonymes, caméos à gogo, laissons-les aux généalogistes de générique, Chuck Norris, un chouïa relooké à la Jean-Claude Van Damme de Chasse à l’homme (John Woo, 1993), décède et ressuscite, assène des répliques sarcastiques, dont l’ultime, guère magnanime, « Il ne méritait pas de vivre », amen, côtoie sous couverture un beau trio d’ordures, accessoirement pratique hors-champ un cunnilingus étonnant, sur la personne d’Alberta Watson (White of the Eye, Donald Cammell, 1987), désirable en dépit d’être depuis défunte, traîtresse maîtresse de son boss bientôt dessoudée en auto/caveau et, last but not least, retrace, transi, le passé d’un cétacé admiré. Tout cela, n’en doutons pas, déplaira aux féministes, surtout aux antiracistes, outrés par le traitement infamant réservé à des « Iraniens » pas un brin sereins, feu Abbas Kiarostami s’en désole aussi. En 1991, c’est-à-dire, réellement, au siècle dernier, selon notre moderne, médiatique chronologie désormais déroulée en accéléré, personne ne s’affirmait #MeToo, personne ne parlait « d’islamophobie », tant mieux, tant pis, malgré le terrorisme bien basané des blockbusters US, cf. l’exemplaire True Lies (James Cameron, 1994). Le spectateur soupçonneux peut à présent, par conséquent, se poser la question suivante, dispensable et importante : Norris, assez droitiste, auto-déclaré chrétien, un explicite, sinon assumé, raciste ? Répondons donc que non, car le flic pédagogique, père putatif, presque adoptif, enseigne à son voisin de gamin, voire l’inverse, petit Noir au bord du désespoir, tourmenté par des « petits Blancs » malveillants, même si la médiatisation du harcèlement scolaire, entre mineurs, demeurait alors encore mineure, comment se défendre, affronter sa peur et non plus la fuir, fichtre.


Jean-Paul Sartre supposait que l’existence précède l’essence, le David Cronenberg du rural et ludique eXistenZ (1999) opine ; ici, le souvenir/récit anticipe/justifie l’exercice, effet de reflet a priori peu politiquement correct, puisque le professeur tout sauf amateur confie au minot amateur de maquettes ses soucis de gosse causés par un… « Indien », tiens, tiens. N’en déplaise à cette seconde « minorité » largement décimée par les colons continentaux, balaie devant ta porte, citoyen cinéphile d’Europe, avant de faire la morale aux compatriotes du dérisoire Donald, le canard, le tocard, Norris démontre ainsi, preuve à l’appui, partage anecdotique paraît-il autobiographique, la réversibilité du racisme, bien sûr basé sur la méconnaissance, la différence, la violence. Cette dimension politique mise de côté, à chacun sa sensibilité, sa débilité, The Hitman, nous refait le coup du ripou, renvoie vers RoboCop (Paul Verhoeven, 1987), certes sans le sous-texte messianique, emprunte à Pour une poignée de dollars (Sergio Leone, 1964) son conflit clanique, cynique. Policier plombé par son équipier vite revenu d’entre les morts, Orphée spécialisé dans le trafic de coke, Garret/Grogan remet en mémoire du soir le Dirty Harry similairement fantomatique, iconique, cadré à contre-jour, de Sudden Impact (Clint Eastwood, 1983) et sa métamorphose en Machiavel morose, néanmoins humain, trop humain, fait écho à son homologue psycho de La Corde raide (Richard Tuggle, 1984). Mais moins masochiste que l’acteur in fine amputé des Proies (Don Siegel, 1971), Norris n’imite le modèle, ni ne se risque à ternir tout à fait sa sacro-sainte persona d’irréprochable et impitoyable justicier à succès. Limité par pareille perspective, L’Arme secrète, transposition sensée, obsolète, titre métaphorique de VHS en VF, possède pourtant une paire d’atouts, applaudissons sa direction de la photographie très soignée, due à l’éclairé, « Cannonisé » João Fernandes, apprécions son casting impeccable composé par Salim Grant, Michael Parks & Al Waxman.


Produit et co-écrit par Don Carmody, producteur incontournable au Canada, monté par sa Jacqueline, The Hitman ne rate pas sa cible, n’en fait pas trop, retravaille staccato les trouvailles du supérieur Héros (William Tannen, 1988), (re)lisez-moi ou pas. Quelques éclats invitent à une (re)découverte de bon aloi, l’associent à une exhumation de saison : l’introduction nocturne, urbaine, aérienne, sur les quais, en hélico, escorté par le jazz funky, very eighties, de Joel Derouin ; une calèche dans la dèche, au virginal cheval bergmanien victime d’une fusillade de moins-que-riens, capitalistes extrémistes portés sur le sentimentalisme autant que l’incivisme, la dureté que la lâcheté ; un épilogue over the top, vengeance d’inversion, de suspendue explosion. En résumé, ce métrage d’un autre âge ne mérite nul outrage, davantage un mesuré hommage, portrait pas vraiment de tueur à gages, heureusement, dommage, plutôt de mec incognito, dégustant à retardement sa revanche au goût de (« merguez ») néant.


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