Feedback : Radio Days
Brexit britannique ? Coup de Moscou. Citoyen à la Bourdin ? Sériel
assassin.
« Quand on n’a plus rien à
perdre, on devient monstrueux » : premier long métrage rempli
d’outrages, au propre, au figuré, au présent, au passé, Feedback (Pedro C.
Alonso, 2019) démontre donc sa moralité de résumé, en plus d’illustrer un fameux
aphorisme de Friedrich Nietzsche, au sujet d’un abîme intime, d’une
monstruosité miroitée. De l’autre côté du verre blindé, insonorisé, à la radio,
devant son micro, le londonien Jarvis voit ressurgir sa némésis, c’est-à-dire
l’obscure Claire, déguisée en transparente et mésestimée stagiaire. Que fit
d’affreux cette star du soir,
animateur a priori dépourvu de peur,
malgré des intimidations de saison, de La Triste Réalité – The
Grim Reality en VO –, émission controversée, à succès, un certain soir
de gloire, d’alcool, de drogue, de séduction à la con, mineures éméchées, vaine
virilité, gare au bazar à Belfast, IRA ou pas, en compagnie de son compère
Andrew, meilleur ennemi désormais imposé pour bosser avec lui ? L’aveu
voulu, révélation révoltante, sidérée, sidérante, se dévide en différé,
prévision de ravisseurs, alors, hélas, il suffira de l’effacer, de recommencer
à sévir comme un meurtrier, à réduire au silence définitif les témoins guère
sereins du moins-que-rien, cette fois-ci par le feu, par une arme à feu, pauvre
père very vénère, torche moche, puis
par une paire de gros ciseaux, égorgeons sous la pluie d’incendie, au ralenti,
la justicière rancunière, naguère victime de viol, vite reconvertie en bourreau
de réalisateur sono, aux origines afros.
Huis clos sado-maso acoustique, stratégique, heuristique, ironique, Feedback,
doté de précision, à défaut de personnalisation, déploie son programme de
tension, de confession, d’expiation, de loi du Talion et d’absence de
rédemption. En Espagne, pas seulement, l’inquisition passe maintenant par la
médiatisation, le fait divers prolifère, la culpabilité partagée se « partage »,
justement, sur les réseaux supposés sociaux, au-delà de l’autarcie du studio.
Certes, tout ceci ne saurait
rivaliser une seconde, sur les ondes, avec le travail d’Akira Kurosawa (Rashōmon,
1950) ou de Peter Strickland (Berberian Sound Studio,
2012), autres maîtres d’une autre trempe du subjectivisme en réunion et de la
dimension du son, mais Feedback bénéficie d’un bon casting, mentions spéciales au souvent
excellent Eddie Marsan (La Disparition d’Alice Creed, J
Blakeson, 2007), au solide Paul Anderson (Passion, Brian De Palma, 2012) et, last but not least, fi des féministes, ordre
du générique, à la convaincante Ivana Baquero (Le Labyrinthe de Pan,
Guillermo del Toro, 2006). En partie co-produit par le sympathique Jaume
Collet-Serra, bien éclairé en mode coloré par l’habile DP Ángel Iguácel (La
Nuit des tournesols, Jorge Sánchez-Cabezudo, 2006), ce métrage de
ramages, de dommages, enregistrement de notre temps clivant, « proies »
versus « prédateurs », quel
manichéen malheur, s’apprécie en histoire de pouvoir, de sévices sarcastiques
d’arroseur arrosé, olé. Notons en sus la présence d’anneaux lisses en écho à
ceux de Metropolis (Fritz Lang, 1927), d’une « dead room » de
mise en garde presque à la Kubrick (2001, l’Odyssée de l’espace, 1968), d’un
couloir-crevasse à la Crawlspace (David Schmoeller, 1986).
Au final, Jarvis survit à l’épuisante nuit, rafle la mise malsaine, peut-être recevra
même, en invité, à la TV, le président Trump, punaise. Compati, applaudi, le cynique
et mutique criminel en costard s’en va (re)voir toutefois sa fifille dorénavant
dessillée, auparavant effrayée, effarée, malmenée par un édenté masqué, qui
l’attend instamment au sein d’une pièce isolée de la haute tour glamour, de désamour, porte ouverte puis
refermée, précaution d’occasion pour secret éventé, malédiction d’éternité,
puisque papa et sa progéniture placés à chaque bord du cadre en widescreen, encore secoués,
irréconciliés, probablement pour très longtemps.
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