Rocky + Rocky II : La Solitude du coureur de fond
La force de Forrest ? Les cris de Rocky…
En 1976, Rocky court en solo et
s’entraîne en trio, en montage alterné, signé des oscarisés Scott Conrad & Richard
Halsey, soutenu par un assistant, encouragé par l’incontournable Mickey. Sur
une Philadelphie industrielle, en effet « fraternelle », devise de la
ville, notez le fruit lancé à la volée, en plan rapproché, durant la traversée
du marché, le jour se lève et la séquence s’achève à l’unisson, par une ascension,
celle des marches d’un musée d’art, Sylvester Stallone escorté par le steadicam en apesanteur du quasiment
débutant Garrett Brown. Auparavant, en compagnie du réalisme idoine du
directeur de la photographie James Crabe, notre boxeur au grand cœur parcourt en
panoramique un paysage de terrain vague, d’urbain métro aérien, se muscle avec
des briques, suit une voie ferrée sur fond
d’usine. En travelling
arrière, il ne s’attarde point entre les poubelles, afin de se réchauffer aux
braseros, de saluer les passants surpris, apparemment filmés à l’improviste. Au
bord de l’eau, devant un pont, le marathonien en survêtement gris et bonnet
noir sue aussi en salle, frappe un punching-ball, fait des pompes d’un seul
bras, épaulé par le chœur en mode méthode Coué de la fanfare de Bill Conti –
avant de voler, il convient d’endurcir ses abdos et son dos, de se battre
contre les quartiers de barbaque, sans gants, sans prendre des gants. « L’étalon
italien », le moins-que-rien, s’accorde cependant une seconde de répit, sa
fatigue masochiste illuminée par un sourire candide. Puis le voici sur un quai,
en train d’accélérer, incognito contre
un cargo à la Nosferatu le vampire (Friedrich
Wilhelm Murnau, 1922), instant sidérant, ouvertement héroïque, lyrique, saisi,
sinon immortalisé, en travelling
latéral motorisé. Ensuite, les marches vite montées amènent vers un travelling circulaire mêlant
l’horizontalité de l’environnement à la verticalité du corps en plein effort,
déjà victorieux, semant le malheureux, tendu en V à taille humaine, ni
narcissique ni malsaine. Un zoom
avant en contre-plongée capture le shadow-boxing,
le bref ballet, cède la place et le plan à un ralenti du sportif souriant, acmé
magnifiée, comme dilatée à la mesure de l’éternité, éphémère, solitaire,
légendaire, cinéphile, à mérité succès.
En 1979, connu, reconnu, Rocky ne
peut plus courir pareillement. Son front cette fois-ci ceinturé d’un rouge
bandana, la star salue tous ceux qui
la saluent. Après des rails familiers, pris à présent en plongée, Stallone
slalome parmi des rues lui souhaitant la bienvenue, où des drapeaux italiens et
américains identifient « l’ethnicité », l’esprit de « communauté »
des quartiers. Autre nouveauté, un essaim de gamins poursuit désormais
l’athlète honnête. Certes, ce semi-défilé,
cette parade en municipal et amical comité, ne relèvent guère de la « promenade
de santé », Balboa, prolétaire adoubé, cédant volontiers aux futurs « bobos »
leur footing quotidien, surtout on s’entretient, de soi on prend soin. « L’étalon
italien », bis, justifie son
surnom salace, classé X, malice de Morton Lewis en 1970 (The Party at Kitty and Stud’s),
au-delà du jeu de mot patronymique – Stallone, stallion – puisqu’il saute trois bancs de parc universitaire avec
l’adresse leste d’un cheval hivernal. Le long d’une large allée décorée aux
couleurs cosmopolites des Nations Unies, le voilà doté au cou de sa croix, en
sus des centaines de gosses à ses trousses, admiratifs kids united, indeed. L’accélération se déroule
dorénavant au son d’un vibrant encouragement et le mouvement circulaire au
sommet du vaste escalier, toujours accompli au steadicam, se voit interrompu par un plan de coupe frontal,
convivial. Le zoom avant suivant
reprend celui de l’opus précédent, le
ralenti aussi. Si Bill (Conti) rempile, Bill (Butler) joue au chef opérateur,
par ailleurs collaborateur de Francis Ford Coppola, Steven Spielberg, Miloš
Forman ou Peter Hyams. Au montage, Stanford C. Allen, Danford B. Greene et Janice
Hampton assemblent le matériau très découpé, amassé par un « Sly »
passé derrière l’objectif, à cause du non merci de John G. Avildsen. En trois
ans, on passe ainsi de l’anonymat à la célébrité, de l’endurance, de la
souffrance, à l’aisance, à l’enfance, de l’individuel au consensuel. En deux
fois trois minutes, l’Amérique nordiste se raconte, se résume, transforme fissa
un self-made-man en héraut, voire en
super-héros, pour minots, au risque de la régression, remember Mad Max Beyond Thunderdome (George
Miller, 1985). Mais le sinistre flûtiste de Hamelin se marre…
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