Alien Crystal Palace : Le Jour et la Nuit


Sybille de beaujolais, écume de Cumes, artisanat assez sympa…


Dark comédie érotique, ésotérique, touristique, commise de manière économique, filmée sans façon et à la façon d’un bad trip, Alien Crystal Palace (Arielle Dombasle, 2018) ne laisse perplexe que les paresseux, essaie de faire frissonner les facétieux. Certes, car casting trop amical, puisque misère musicale, Nicolas Ker indiffère, dérisoire ersatz du très regretté Daniel Darc, aussi le film souffre de ce défaut rédhibitoire, de la pénible présence de l’inaudible type en noir. Mais l’humour le rédime, mais l’énergie l’anime, la monteuse Coralie Rubio dut s’amuser en assemblant le puzzle faussement dément, par nature immanent, malgré le transcendant argument. Sur fond de philosophie, pas celle de Bernard-Henri Lévy, ouf, d’androgynie joueuse, tueuse, de festivités funèbres, cliques lubriques à la Kubrick, de rencontres alcoolisées, de flics friands de torture, d’herméneutique, Alien Crystal Palace entraîne le spectateur sur le seuil de la stupeur, ou de la torpeur, selon la perspective, la fatigue, dans son élan désarmant, dans ses tourments décadents. L’aimable Arielle Dombasle, sexagénaire sexy, se moque de la meute, se désape fissa à la Sappho, jette un cadavre à l’eau, à proximité du pont du Rialto, imagine un gentil giallo, annexe Asia Argento, à défaut de son papa Dario, ressuscite Jean-Pierre Léaud, divin corbeau, ne manque pas d’air, ne prend pas de grands airs, se glisse au sein malsain d’un sous-marin nucléaire. En compagnie de Jacques Fieschi, promu script doctor, quel honor, Monsignor, elle se souvient du ciné de Jean Rollin, elle va bon train, ne s’arrête point en chemin, sinon à la fin, étranglée en gants noirs, oh, délicat désespoir.


Femme transfrontière, femme fréquentable, femme de freedom, cf. ses propos du dossier de presse, la cosmopolite Arielle nous raconte un conte cruel, une expérience éternelle, retrace une danse macabre, dont la gravité discrète enfin affleure à la surface vivace, au risque du vide, du strass. L’épouse et muse dispose d’un carnet d’adresses incomparable, alors évitons l’épuisant name-dropping à la Bruce Wagner, romancier de Toujours L.A. + scénariste de Maps to the Stars (David Cronenberg, 2014). Contentons-nous de noter le sens du détail, de l’attirail, de l’intéressante intéressée, chaussée de shoes à la semelle rouge, of course, destin du spécialiste Christian Louboutin, a fortiori fétiche pour fétichiste buñuelien. Film-fantasme, film de fantasmes, le lesbianisme en marqueur masculin, merci, de rien, Alien Crystal Palace ressemble à un réussi ratage, consiste en arcanes d’actualité, pourrait se résumer en une rude moralité : les femmes aimantes meurent, les hommes aiment le malheur. Afin d’accomplir la fusion à la con, les sbires du savant pontifiant se débarrassent en effet des « poufiasses » semées sur le chemin manipulé de Dolorès Rivers & Nicolas Atlante, appréciez au passage le double clin d’œil patronymique à La Rivière Atlantique, l’opus discographique du tandem formel, chantant, au vouvoiement charmant. Film en filigrane féministe, jamais doloriste, odyssée enténébrée cependant éclairée par la candeur de Mademoiselle Dombasle, son humanisme consubstantiel – la belle aime les gens, des comme elles, on n’en connaît pas tant –, Alien Crystal Palace divertit et (dé)lasse, vrai-faux OVNI de la production hexagonale contemporaine, œuvre sincère plutôt que mortifère, à découvrir davantage qu’à détruire.


Il s’achève, une première fois, en plongée, sur le lit de Morphée, Nicolas, survivant résistant, flanqué des deux côtés de la couche maousse par les fantômes d’Asia & Arielle – un mec in extremis heureux, tant pis pour les cieux, le septième, le dilemme, pris entre deux feux amoureux, au foyer frisquet, imparfait, de l’enfance prolongée, affirmée, du cinéma méta, abracadabra, du romantisme noir de l’alchimie, de maintenant et pas seulement d’ici, eh oui.

Commentaires

  1. “J’adore tout genre au cinéma. Notamment les films de zombies qui m’excitaient au plus haut point quand j’étais au lycée, j’aime la peur, l’angoisse, le sang, la violence, le déchaînement des passions.
    J’assume tout cela gaiement. Je suis singulière.
    Mon cinéma l’est aussi. Quant à mon image, c’est quelque chose dont on n’est pas maître.
    Donc il faut faire en sorte de ne pas en être esclave. La volonté la plus grande qu’on porte en soi, c’est la volonté de vérité. Et quant à ces histoires de premier et de second degré, ma réponse c’est qu’il faut être funambule. L’humour, la dérision sont des copains, c’est une façon de ne pas être aveugle à soi-­même par principe et de rester des énigmes à nos propres yeux. Comme dit un proverbe chinois :
    « On a besoin de têtes brûlées pas de moutons ».
    Arielle Dombasle
    insaisissable figure presque candide malgré des débuts plus que pornographiques avec le sieur Klaus Kinski, prise, pas seulement de vue, par derrière, le sieur Éric Rohmer dans Pauline à la plage magnifiera sa démarche chaloupée, un coup à droite un coup à gauche, en version amours de femmes, Brigitte et Jane dans Don Juan 73 avaient donné le la...lalala, Arielle chante et glisse comme une sirène sur les turpitudes de ce beau monde où les âmes enfantines sont sacrifiées sur l'autel du plaisir...

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  2. Pas vu ce O nippon, fripon, mais ceux-ci, oui :
    https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2020/07/histoire-do-histoire-do-numero-2-la.html
    Entrevu en ligne, le Kinski Paganini paraît aussi atteint de priapisme...
    Bien avant BB & Melody Nelson, voici Edwige et sa très chère pensionnaire :
    https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2020/05/olivia-le-vice-et-la-vertu.html
    Sur les amours entre femmes, je vous renvoie vers :
    https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2017/03/sonia-et-lamour-des-femmes-saphismes-de.html

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