The Bride : Madre
Mariée en noir, moscovite désespoir…
À l’Est, enfin du nouveau : au
pays de Poutine, voici une petite réussite, classée en « film
fantastique », voire en « Russian horror », mon trésor. Un
métrage méta, aux photographies funèbres et funestes ? Un conte consacré
au matriarcat, sa maison, sa malédiction, doublé d’un mélodrame maternel, pas à
la truelle. Si le slasher, imagerie
misogyne, à gros couteau phallo, nous disent les essayistes féministes, condamne
la copulation, les films à frissons affichent, souvent, des femmes fortes et
fragiles, ainsi The Bride (Svyatoslav Podgaevskiy, 2017) s’inscrit au sein de cette
lignée, en sus d’évacuer la supposée salvatrice « virginité ».
Révolutionnaire à sa manière, il souligne aussi l’asphyxie de l’autarcie, la
déraison de la tradition, la morbidité de la lignée, sinon de la ruralité. Si
Nastya s’en sort, au propre, au figuré, de la fable familiale, du
manoir-mausolée, elle le doit, en effet, en partie, à son altérité, à son « impureté »,
accessoirement à une tasse de café, renversée sur sa robe immaculée,
sur le point d’être repassée. Vania, oncle ou pas, gentil mari ad hoc, l’immortalise en courte culotte,
subito se déloque. Ensuite, après l’ellipse
du lit pudique, débutent l’herméneutique maléfique, chic, le huis clos
esthétique, atmosphérique, molto gothique. Auparavant, un prologue de plaisante
exposition, de passé décomposé, aux paupières peintes, aux défuntes et aux
feintes, présentait le péché originel du friqué patriarcat, ton épouse tu ne
ressusciteras, une « esclave » tu n’enterreras, tragédie à base
d’hubris et de lutte des classes, réactivée par un avatar de Victor
Frankenstein, tout droit sorti de Andreï Roublev (Andreï
Tarkovski, 1966). Ici, en Russie romantique, cadavérique, esquissée allegro,
aux flambeaux, « se faire passer la bague au doigt » revient donc à
revenir de l’au-delà, destin guère serein, sinon épuisant, de ce siècle-ci aux
suivants…
La chimie verse vers l’alchimie, le
négatif s’avère intrusif, l’âme ne désarme, davantage se réincarne. L’étudiante
en religion, ensommeillée, au joli minois de Kylie Minogue, clones inclus à la Come into My World, va
vite le vivre, in extremis y
survivre. Derrière les parois, derrière les apparences, se tient la « Mère »
amère, douloureuse, affreuse, inique et unique, dommage pour le trio de Dario
Argento (Suspiria, 1977, Inferno, 1980, La terza madre, 2007).
Dans The Bride, film au féminin, les hommes font de la figuration, mutique ou en
prison, pardonnons. Liées par une élection de saison, les « âmes sœurs »
doivent expérimenter l’épreuve de la rancœur, de la terreur, comme autrefois,
alors enfants, fermer les yeux, cesser de respirer. Témoin quantique, la
promise secouée, assommée, en esprit revisite l’historique, contemple la
calamité, pythie perplexe et jadis touriste en automobile, survolée en drone, au son d’un classique soul et sentimental du récemment
regretté Bill Withers. Fi de fiançailles-funérailles, de mariage arrangé, (de)
dérangé(s), notre irrésistible héroïne se soucie des deux marmots illico, assiste, impuissante, au
sacrifice enflammé de sa belle-sœur possédée. Quant aux nouveaux arrivants,
propriétaires inconscients, avec descendant, ils aviseront, bien sûr, au final,
une fraction de seconde, celle qui hante les murs… Porté par une impeccable Viktoriya
Agalakova, juvénile Anastasia du Raspoutine (2011) de Josée Dayan, et
une menaçante-attendrissante Aleksandra Rebenok, Liza de balançoire, de draps, The Bride bénéficie d’une réalisation soignée, d’une lumière travaillée,
due au doué DP Ivan Burlakov, aimable moralité parsemée de miroirs
fantomatiques, à dimension discrètement satirique, vilaine belle-famille, indeed…
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