Histoire d’O + Histoire d’O, numéro 2 : La Débandade + Maîtresse


Initiale infernale, d’orifice à offrir, de tandem cinématographique à fuir… 


Comment minorer un roman majeur, l’amoindrir en modèle de cinéma bourgeois ? En pasteurisant Pauline, pardi, en modifiant le possible suicide en final féministe, fichtre. Toutefois les reflets en soft focus pouvaient presque fonctionner, car raccord avec la dimension onirique du conte initiatique, mystique, avec le parcours éprouvant, voire bouleversant. Hélas, l’érotisme inoffensif, la superficialité de publicité, le fastidieux défilé des vains mannequins, caractéristiques de pseudo-style, lassent fissa et le film ne s’en remet pas. Histoire d’O (Just Jaeckin, 1975), illustration d’une transposition de Sébastien Japrisot, dont l’Elle vengeresse et « névrosée » de L’Été meurtrier (Jean Becker, 1983) renverse et victimise la volontariste et extrémiste O, se voit donc co-éclairé par Robert Fraisse, qui dirigera dix-sept ans après la photographie du fumiste L’Amant (Jean-Jacques Annaud, 1992), autre item de coquille creuse, d’adaptation désincarnée, en dépit du thème délicat dû à Gabriel Yared. La co-production franco-allemande et canadienne, d’où la présence transparente d’Udo Kier, à peine sorti du diptyque épique de Paul Morrissey (Chair pour Frankenstein, 1973 + Du sang pour Dracula, 1974), dévoile et met en valeur la vigueur et la candeur de Corinne Cléry, déjà partie puis bientôt adoubée en Italie, recommandons l’actrice sous-estimée, un brin bondienne (Moonraker, Lewis Gilbert, 1979), chez Pasquale Festa Campanile (La Proie de l’autostop, 1977) ou Lucio Fulci (Le Miel du Diable, 1986). Pressentie, approchée, cependant idem topless lors d’une célèbre scène des Valseuses (Bertrand Blier, 1974), émouvante et régressive, Brigitte Fossey, sans doute effarouchée, se retira du projet. La courageuse Corinne, rétive à la « vulgarité », cf. ce récit de tournage sudiste amusant, édifiant, signé Catherine Laporte, traverse intacte le métrage d’un autre âge, très doté de sa grâce…


… avant d’être remplacée par l’éphémère et moins douée Sandra Wey, dommage. Tandis que le premier volet des mésaventures de la martyre amoureuse adressait un clin d’œil à Carroll, à l’instar de Alice ou la Dernière fugue (Claude Chabrol, 1977), fable funèbre davantage envoûtante, par seulement en raison de la présence de la regrettée Sylvia Kristel, femme fréquentable au destin malsain, irréductible à l’icône naïve et lascive de l’assez risible Emmanuelle (Just Jaeckin, 1974), Histoire d’O, numéro 2 (Éric Rochat, 1984) revisite Théorème (Pier Paolo Pasolini, 1968), le lecteur de Sade par ailleurs auteur du rageur Salò ou les 120 Journées de Sodome (1976), à côté duquel les sévices de Roissy ressemblent à des délices de sucreries. D’une décennie à la suivante, les mœurs changent, la société et le ciné aussi, alors O se démène à présent en prestataire indépendante, au service du capitalisme cannibale, parmi un produit insipide, cette fois-ci franco-ibérique, chic. Scénariste, réalisateur, producteur, Rochat fait parfois mumuse avec le montage mais son mélodrame familial, à base de mari égoïste, d’épouse frustrée, de fiston homosexuel et de fifille encore vierge, s’apparente plutôt à du Marc Dorcel en version soft, à un téléfilm d’anecdote, qu’aux opus personnels et pérennes de PPP. Malgré l’humour modeste d’un moment en automobile immobile, quand la capote de la bagnole où s’agite et s’affole Madame Pembroke se hisse selon sa tête d’experte, la resucée sent le réchauffé, le soufflé vite retombé, en effet, de surcroît lesté d’un casting local s’exprimant en anglais au moyen d’un accent désolant. Séductrice machiavélique et dominatrice magnanime, même le chien chérit sa « chatte », CQFD de mouchoir humide, O copule en catimini et rédime in extremis le magnat pas sympa, mis à genoux, de manière littérale, sur un escalier aux airs de tribunal, par un vrai-faux inceste sodomite, mince, moralité imagée du « On ne prête qu’aux riches ».


Commentaires

  1. Oh, question "dimension onirique du conte initiatique, mystique", La marquise d'O...
    1976, Éric Rohmer
    https://www.youtube.com/watch?v=U4DeBd0XLSQ
    "Qu'il ne lui fût point apparu comme un démon si, lors de sa première apparition devant elle, elle n'avait cru voir un ange." Heinrich von Kleist

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    Réponses
    1. Toujours un peu de mal avec cette langue gutturale, comme Marthe Keller en amnésique volontaire chez Barbet Schroeder...
      Un Rohmer mortifère :
      https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2018/03/les-nuits-de-la-pleine-lune-une-chambre.html

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