Soleil de nuit : Été 85


Figures en effet imposées, rideau de fer in fine relevé…


Foucault affirmait le corps politique, Hackford affiche le corps poétique, ce qui s’équivaut, surtout en deux beaux duos. Au sein de Soleil de nuit (1985), chorégraphié par Twyla Tharp (Hair, Miloš Forman, 1978, Ragtime, Forman, 1980, Amadeus, Forman, 1984), co-écrit par James Goldman (La Rose et la Flèche, Richard Lester, 1976), éclairé par David Watkin (Les Diables, Ken Russell, 1971, Les Chariots de feu, Hugh Hudson, 1981, Yentl, Barbra Streisand, 1983, Out of Africa, Sydney Pollack, 1985), monté par les Steinkamp père & fils (On achève bien les chevaux, Pollack, 1969, Fedora, Billy Wilder, 1978, Tootsie, Pollack, 1982 ou Contre toute attente, Hackford, 1984), Baryshnikov & Hines, confrères d’Astaire & Kelly, dansent sous la caméra de vidéo-surveillance du cinéaste-acteur Jerzy Skolimovski. Plus tard, la mise en abyme jouera sur la nostalgie, notre Icare exilé regardant son rajeuni reflet à la TV. Auparavant, il dialoguera avec sa bouleversée Galina via les chevaux de Vyssotski, lui-même sorti d’URSS puisqu’époux de Marina Vlady, voui. Voici donc deux tandems, deux instants, où le corps convoité, piégé, le pouvoir (re)prend. Entre le ballet dancer, le tap dancer, le courant, en courant, finit par passer, au son d’une chansonnette peu suspecte, signée David Pack. Si les styles se différencient, l’unisson caractérise la scène. Hackford capture en contre-plongée un « exercice » complice, un pas de deux, au propre, au figuré, lancé à la face des fureteurs du KGB. Au grand angle, les hommes instrumentalisés se défient, s’entendent, combat cordial de coupole, préfiguration de la fuite commune. En triple travelling véloce, la caméra millimétrée, sans doute sur sa dolly installée, immortalise la grâce aristocratique de Mikhaïl, la puissance démocratique de Gregory. À chacun son maudit miroir, son (dés)espoir, son faux affrontement, son vrai shadow-boxing.



Ensuite, le solo ensemble nous transporte au pseudo-Kirov, pour une petite explication de gestuelle cruelle. Les larmes de la magnifique Helen Mirren, muse à marier de réalisateur énamouré, répondent en plans de réaction(s) à la démonstration presque impudique, very slave, de l’oublié avide de liberté, à contre-jour cadré. MB danse avec ses genoux, ses bras, ses pieds, son visage, La beauté assez découpée du grand mouvement, d’une enivrante fluidité doté pourtant, emporte le spectateur auditeur dans son élan, l’incite à se foutre du faux raccord évident – Galina paraît prier, sourire, pleurer, puis au plan suivant se retrouve les mains au sol posées –, transforme le danseur majeur en une sorte de crucifié en action(s), d’incarnée symbolisation. En champs-contrechamps, les anciens amants se démasquent, se résument, s’excusent, se justifient. Nikolai Rodchenko, désormais assis, démuni de trémolos, assume son égoïsme, récuse le moindre héroïsme. Ce qui nous ramène, bien sûr, aux Chaussons rouges (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1948), chef-d’œuvre coloré, qui osait, trois ans après la cessation des hostilités mondialisées, portraiturer une autre forme de résistance, de souffrance, de sacrifice, n’en déplaise à certaines féministes, dont Margaret Atwood, myope interprète d’indépendance contrariée, massacrée, par une coda à la Karénine Anna, restons donc en mélodrame de Russie, camarade cinéphile. Soleil de nuit, fable facile, autofiction concon d’un auteur mineur, cf. ses sympathiques, anecdotiques, L’Avocat du diable (1998) ou Ray (2005) ? On pourrait le parier, cela ne saurait dispenser d’apprécier ces quelques secondes de sueur en chœur, de rencontre culturelle, d’artistes cosmopolites, admirables, admiratifs. Ainsi, les individus solidaires défont les dictatures, l’anatomique, de surcroît calligraphique, terrasse le tyrannique.


Commentaires

  1. Freddie Mercury & Rudolf Nureyev...e la loro storia d'amore (Tg5 1995)

    https://www.youtube.com/watch?v=Iyq9TRnJUWw

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    Réponses
    1. Je l'apprends grâce à vous et en VO...
      Autre tandem, moins rapproché, celui de Lelouch & Jorge, aussi décédé du sida, "a big disease with a little name", en effet, comme l'affirmait feu Prince :
      https://www.youtube.com/watch?v=bsqU5-ISrak
      https://www.youtube.com/watch?v=8EdxM72EZ94&list=PLFx7g_x-kyDQnDmiCzU2XaHBRRvpai1Ws&index=16&t=0s

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    2. Dupont Delon un film et plus si affinités de Dancing Machine
      (La bande musicale de Marc Cerrone)
      https://www.youtube.com/watch?v=d38jaV6SzDE

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    3. Miss Kaprisky au(x) sein(s) d'une scène de danse (et de souffrance) d’anthologie, tant pis pour l'affreux morceau rajouté par l'utilisateur de YT :
      https://www.youtube.com/watch?v=fLSyktYK9eU
      https://www.youtube.com/watch?v=ZjjJChNDLLc

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