Le Royaume des fées

 

Un métrage, une image : Morgane et ses nymphes (1971)

« L’amitié ne se vit pas à moitié », en effet, mais la beauté, la juvénilité, l’immortalité se paient de la liberté, allez. Françoise philosophe, Anna dessine, les deux étudiantes se perdent, passent de la route à la déroute. Juste avant, une curieuse excommunication donnait le ton. Comme dans Dracula, l’aubergiste leur conseille de s’agiter, de s’éloigner ; elles n’iront loin, ne savent s’écarter en nuitée du rural et circulaire chemin. Après des baisers lesbiens parmi la paille, vient le matin et la réalité déraille. Un nain malsain, ensuite amoureux, malheureux, amène Françoise auprès de Morgane, de son matriarcat : à la suite de Cassandra (Peterson), « d’un château l’autre », opine Céline. Le Diable, dit une dame, se limite à « un conte inventé par l’Homme pour lui faire peur. » Ici, entre amies, plus de « mal », plus de mâle, et la vieillesse vite esquivée, à peine présente en repoussoir, si tu ne consens et me quittes, tu vas voir. Jalousie de rivales, stratégie fatale, Françoise s’évade, remonte sur la barque autonome, dénuée de nocher. Toutefois elle flanche, un enterrement explique son revirement, Morgane la regarde, lui pardonne, retour au home sweet home sans homme. In extremis, Françoise s’aperçoit, peut-être rêvait-elle ou vient-elle de décéder, traverser de façon définitive de « l’autre côté »… Conte de fées saphique de magie blanche et noire, de servitude et d’espoir, Morgane et ses nymphes affiche un cinéaste attentif, un casting choral crédible, une moralité douce-amère point infantile. Moins drolatique et vampirique que les voyages érotiques et oniriques de Jean Rollin, parce qu’il le valait bien, le mélodrame pas con de Bruno Gantillon, par la suite téléaste, bénéficie du beau boulot du dirlo de la photo Jean Monsigny, éclaireur de Gérard Mordillat sur le diptyque Billy Ze Kick (1985) et Fucking Fernand (1987), de la bonne BO sous pseudo de François de Roubaix, olé, comporte un caméo poétique de Solange Pradel (La Femme bourreau, Bonan, 1968 et Le Secret, Enrico, 1974), rollinienne idem, tandis que l’éphémère Mireille Saunin, prise au milieu de Dominique Delpierre (Le Clan des Siciliens, Verneuil, 1969) & Alfred Baillou, trio hors défaut, présage et rappelle la Sylvia Kristel du funèbre Alice ou la Dernière fugue (Chabrol, 1977), autre fable affable, de femme fréquentable, de morte-vivante émouvante…       

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