La Grande Menace : La mort est mon métier
L’ultime chapitre du journal eschatologique…
Thriller
télékinésique disposant des présences puissantes de Burton & Ventura, de la
magnétique Lee Remick, La Grande Menace (Gold, 1978) possède
une évidente dimension méta : il s’agit d’un film classé catastrophe au
sujet d’un supposé fauteur de catastrophes. Le romancier Morlar porte la mort
dans ses productions, jusque dans son nom. Sa moralisatrice misanthropie lui
donne des airs de mauvais messie et son désir homicide à sa façon résonne avec
celui de Bronson (Death Wish, Winner, 1974). Victime à
domicile, menace à l’hôpital, il (se) survit et décide au/en final de faire
s’effondrer une cathédrale, de détruire une centrale. Un flic français, flanqué
d’une psychiatre patraque puis coupable, voire l’inverse, reconstitue son CV
vite visualisé, essaie de le stopper. Après le matricide de La
Malédiction (Donner, 1976), l’actrice américaine ici se suicide, très
ou pas assez lucide, tandis que Morlar, a
priori, selon ce qu’il lui dit, pratique le parricide, en sus de l’incendie
scolaire à la Parker (Pink Floyd The
Wall, 1982). Si l’imagerie catastrophique témoigne de son temps, seventies secouées par les crises
accumulées, de l’économie à l’écologie, du libéralisme sexuel au terrorisme
générationnel, s’apparente à un spectaculaire cimetière hollywoodien point
serein, peut-être à une source d’inspiration à destination des médiatisés traumatismes
islamistes, La Grande Menace carbure de surcroît au crash prophétique, Baudrillard adoube, et au désastre au sein des
astres, « cercueil » stellaire d’astronautes amerloques en écho à
Mademoiselle MacNeil maudissant leurs homologues (L’Exorciste, Friedkin,
1973). Entre Le Cri de Munch et la gorgone du Caravage, The Medusa Touch
modernise les mythologies à l’aide de la dangereuse technologie, de l’inquiétude
existentielle, à l’instar du contemporain Holocauste 2000 (De Martino, 1977),
dont in extremis il s’approprie
l’apocalypse atomique.
Carrie (De Palma, 1976) et Furie
(De Palma, 1978) se préoccupaient aussi de puissance spirituelle, optaient
plutôt pour des problèmes de puberté, de paternité ; La Grande Menace se
soucie d’un créateur au creux d’une impasse, d’un auteur en train de se
réinventer en ange exterminateur d’une société, surtout britannique, estimée,
certes souvent à juste titre, morbide et hypocrite. Cependant le doute sur la
véracité des événements annonce Dead Zone (Cronenberg, 1983)
et son christ visionnaire ou vénère, sacrifié ou cinglé. Convient-il de croire
ou de ne pas croire (à) l’éphémère « maître » Morlar ? La
réponse arrive trop tard, ne parvient à éviter le massacre ecclésiastique ni le
feu d’artifice fatidique, nonobstant hors-champ. Opus appliqué, soigné, remarquez le travelling compensé sur Lee & Lino, à sombre bureau et
d’outre-tombe magnéto, La Grande Menace prend son histoire
au sérieux, ne cède à l’esprit de sérieux, s’autorise des touches qui font mouche
d’humour d’outre-Manche, en matière d’alcool, de cuisine ou d’automobile,
inclut un caméo de Marie-Christine Barrault à lui seul valant le visionnement,
comme si la miroitée scène de ménage en forme de tragi-comique naufrage du
couple Burton & Taylor de Qui a peur de Virginia Woolf ?
(Nichols, 1966) se concentrait en quelques minutes d’un tumulte acerbe et acéré.
Doté d’une morale amère affirmant la nature en effet, en partie, catastrophique
de l‘espèce humaine, cet élégant et troublant assortiment de démence panique,
de pensée magique, de cartésianisme contourné, de suppression impossible,
observe avec acuité, rapidité, en fable affable, l’insanité de nos destinées,
l’absurdité de notre mortalité, maux immémoriaux auxquels l’exigence d’un sens,
en public, en privé, la nécessité d’une immédiate immortalité, par exemple grâce à l’art ou au moyen de « monstrueux » moutards, paraissent des réponses persistantes et « provisoires ».
Fantastique, catastrophique, prophétique... à en rester médusé...
RépondreSupprimer"Je ne puis regarder tout cela sans mélancolie parce que rien n'embellit les êtres et les choses comme la menace d'un anéantissement" (Green, Journal, 1945, p.256)
"I could not love except where Death
SupprimerWas mingling his with Beauty’s breath —"
Poe, Romance
https://www.eapoe.org/works/poems/romancec.htm