Le Retour de la Panthère rose : Diamants sur canapé

 

Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Blake Edwards.

Une douzaine d’années après La Panthère rose (Edwards, 1963), opus pionnier, à succès, suivi par presque une douzaine de suites, série de ratages ou de réussites, dont un diptyque amnésique de Steve Martin (La Panthère rose, Levy, 2006 + La Panthère rose 2, Zwart, 2009), Edwards & Sellers « remettent le couvert », de cuisine asiatique, relancent leur carrière, en quête d’un hit. Idem financé par Lew Grade, dans le sillage de Top Secret, (Edwards, 1973), (re)lisez-moi ou pas à ce sujet, Le Retour de la Panthère rose (Edwards, 1975) ne rendit personne morose, à part un peu les friqués frileux de United Artists, « atteignit l’objectif », dut son absence d’un coffret sympa, d’autrefois, à une question de droits, oui-da. Ainsi placé entre Quand l’inspecteur s’emmêle (Edwards, 1964) et Quand la Panthère rose s’emmêle (Edwards, 1976), donc précédant La Malédiction de la Panthère rose (Edwards, 1978) et À la recherche de la Panthère rose (Edwards, 1982), Le Retour de la Panthère rose anticipe par conséquent l’écart d’une décennie, ensuite selon L’Héritier de la Panthère rose (Edwards, 1983) puis Le Fils de la Panthère rose (Edwards, 1993) reproduit, boucle bouclée de Claudia Cardinale. Encore en compagnie de l’aimable Mancini, épaulés du doué DP Unsworth Geoffrey, fan du soft focus, collaborateur de Kubrick (2001, l’Odyssée de l’espace, 1968), Fosse (Cabaret, 1972), Boorman (Zardoz, 1974), qui semble ici déjà envisager le rêve éveillé de Superman (Donner, 1978), Edwards & Waldman, paire de scénaristes complices, signataires aussi de La Party (Edwards, 1968), à nouveau revisitent le caper movie, le revitalisent via le slapstick. Comme si La Main au collet (Hitchcock, 1955) Topkapi (Dassin, 1964) croisait, voici une voleuse amoureuse et le voleur de son cœur.

En acrobate nocturne,  elle agit pour lutter contre de son mari, désormais « rangé », l’ennui  supposé, tandis que celui-ci, fissa flic in situ, illico la reconnaît maquillée en mec sur une photographie. L’impeccable et implacable Christopher Plummer ne donne plus la réplique en fuite à la dear Andrews Julie (La Mélodie du bonheur, Wise, 1965), pourtant il ne perd au change, puisque aux anges au côté de la charmeuse et chaleureuse Catherine Schell, elle-même amusée en réalité, communicatif fou rire affiché, avéré, hors récit, par les poilantes pitreries du sieur Sellers, mention spéciale à son faux accent français, inimitable et très accentué. Tout sauf out, Burt Kwouk, en Cato pas trop catho, plutôt sado-maso, planqué au frigo, ne « fait une jaunisse » d’être estimé « ami jaune », alors que Herbert Lom, bientôt itou le toubib de Dead Zone (Cronenberg, 1983), incarne, méconnaissable, admirable, une némésis démente et incessante, in extremis salvatrice. Si Clouseau & Dreyfus, patronymes connotés, vous en conviendrez, en tout cas au creux de l’Hexagone, retravaillent la rivalité sans fin et infernale de Bip Bip & Vil Coyote, soulignent aussitôt le caractère cartoonesque de l’entreprise cosmopolite, Le Retour de la Panthère rose ne se savoure pas seulement en divertissement élégant, d’antan, il envoie de surcroît un clin d’œil à l’exotisme terroriste, un brin marocain, de L’Homme qui en savait trop (Hitchcock, 1956), il donne à entendre un thème sentimental assez irrésistible, en surplomb d’un paysage routier sudiste sous peu funeste à une célèbre monégasque princesse, il ridiculise la police, voire la psychanalyse, son incompétence, sa maladresse, et Lom, en camisole, termine d’ailleurs l’item à l’asile, en train d’écrire, ligoté, avec son pied, un KILL CLOUSEAU répété, s’adresse au spectateur, à peine dérangé par la panthère de dessin animé, mise en abyme du cinéaste magnanime, tout cela, insane coda, en écho rigolo, de facto, à L’Antre de la folie (Carpenter, 1994), eh oui.


Au Sud ou en Suisse, c’est-à-dire à Gstaad, royaume montagnard des réfugiés de la fiscalité, où un certain Roman Polanski ne passa ou perdit son temps à faire du ski, Clouseau suit la gracile Lady Litton « à l’insu de son plein gré », sur le point de se faire masser, sinon arrêter, y sème la zizanie, surtout au sein de sa salle de bains, et tant pis pour le perroquet aspiré, les opposants purgés, les amants menacés. Matrice apocryphe du personnage à dommages de Inspecteur Gadget, le Jacques à immaculée matraque, à singe d’arnaque, matérialise en outre une masculinité en déroute, au révisionnisme very seventies, en résonance avec un sociétal féminisme, en réponse à la fronde de Bond, inoxydable icône conconne côtoyée par Kwouk (Goldfinger, Hamilton, 1964 ; On ne vit que deux fois, Gilbert, 1967) ou même Mademoiselle (von) Schell (Au service secret de Sa majesté, Hunt, 1969). Certes tout ceci ne suffit ni du reste ne vise à « engendrer la mélancolie », touche intime et intimiste disponible jadis, réapparue après, cf. Vacances à Paris (Edwards, 1958), Diamants sur canapé (Edwards, 1961), La Party ou Victor Victoria (Edwards, 1985), voilà. Jamais démonstration de cynisme intéressé, de comique anémique, de paresse express, la rose et revenue panthère séduit en sus, au contraire, en raison de sa sereine réalisation, appréciez la leçon exemplaire de la seconde introduction, accolée à la publique présentation, contradiction en action remplie d’invention, de style, d’un soupçon de cire.


Et car la création ne saurait se délester de la destruction, l’affronte à défaut de la défaire, de son obscure lumière nécessaire se sert, nous éclaire, Le Retour de la panthère rose, film chic et ludique, parvient à intégrer cette dialectique dynamique, au moyen de deux moments mémorables, immanquables, durant lesquels la mise à sac méthodique, rythmique, ralentis pseudo-épiques et vraiment drolatiques compris, n’en déplaise au « crépusculaire » Sam Peckinpah, d’un appartement, à portrait de Lénine, d’un restaurant, à « Japonaise » vipérine, soulignent la dimension anarchiste du regard du réalisateur, du corps de l’acteur, parti prématurément, remarquable également, démesuré ou mesuré, chez Kubrick, bis (Lolita, 1962 ; Docteur Folamour, 1964), ou Hashby (Bienvenue, Mister Chance, 1979). Du passé diamant ? De notre modernité médicament. 

Commentaires

  1. "Du passé diamant ? De notre modernité médicament. " On en redemande !
    en ces circonstances bon comme un sirop contre la toux parfumé à la fraise, rose panthère oblige...

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