Portraits : Still Life
Le glamour et le désamour, les repères et la misère…
En découvrant aujourd’hui le travail
de Mary Ellen Mark, on repense bien sûr à celui de Dorothea Lange & Diane
Arbus, d’ailleurs ici aussi de la partie, puisque prise en 1969 à New York comme
consœur pâlotte. Dans sa préface, la photographe parle de « documentation
sociale », de « travail commercial pour les magazines, le cinéma et
la publicité », des « profondeurs de la personnalité », du « fond
de l’âme », de « vérité du caractère du personnage », du
« sens caché » des existences esquissées ; elle affirme fissa sa
profession de foi : « Le portrait d’un homme ou d’une femme (célèbre
ou non) fonctionne s’il communique quelque chose de très personnel ou de très
intime. Le tout, naturellement, joint à une belle lumière et à une composition
parfaite. Un portrait vraiment réussi peut révéler beaucoup de secrets. » D’abord
publié en Italie, pourvu d’un avant-propos assez à propos, signé du
« calme » et molto coco Furio Colombo, l’album se structure, au risque de l’usure, en diptyque guère
dynamique, vite mécanique, doubles pages d’hommages et d’outrages. Ainsi
voisinent les visages des « célébrités », surtout du ciné, des
anonymes, à l’environnement peu magnanime. « Correspondance » entre
les irréconciliables réalités essayée, à demi réussie, car les quarante-huit
images, je compte la couverture, en rime à l’ultime, partagent pourtant un
similaire caractère inaccessible, irréductible. Formée au photojournalisme, ex-salariée de Magnum, au boulot sur
plusieurs plateaux, petits ou gros, preneuse de vues placée suivant sa volonté in situ,
au creux et au cœur des rues, au croisement du cosmopolite et de l’esthétique,
du mainstream et du marginal, Mary Ellen Mark scrutait « l’étrangeté » du monde et des mœurs, adoubait
« l’emblématique » (iconic,
dimension spirituelle, sacrée, assortie), rétive au « narratif »,
selon elle du film domaine.
Que l’on estime ou non la
juxtaposition démocratique ou démagogique, un même mystère, une semblable
opacité, infusent ces photos en argentique, antithétiques, certes reliées par la
variable universalité de l’(in)humaine humanité. N’en déplaise à la principale
intéressée, talentueuse, modeste et passionnée, son art à base de stars, de désespoirs, de Blancs, de
Noirs, d’animaux, d’anti-héros, ne révèle rien de bien nouveau, échoue à chérir
une insaisissable essence. Photographié, donc immortalisé, inhumé, magnifié,
mortifié, Barthes abonde, le « sujet » se dérobe en objet, perd son
épaisseur, au propre et au figuré, se fige en simulacre simultané, en plein
présent empreinte du passé. Intemporels à défaut d’essentiels, les clichés sans
chichis ni clichés se visitent telle une galerie belle et immobile, montage de
nature(s) en effet still (lives), légères et lestées de sincérité,
de style. Truffaut, Jodie Foster, Fellini, Forman, Stallone, Farrow & Allen ou
Buñuel, des enfants, aveugles, voyants, des « nomades de campement »,
des Indiens, des Canadiens, des artistes de cirque ou une marionnette de
mallette, autant d’instants scellés, de cadres (double sens) découpés, de vies
traversées via un objectif complice,
jamais massif, démonstratif. Ni Doisneau ni Weegee, vaccinée contre l’anecdote
et la crudité, ne désirant rassurer, scandaliser, Mary Ellen Mark sut
documenter des moments, des gens, loin des enterrements, du firmament.
Dans un autre genre pour faire reflet d'autres moments et d'autres gens...:
RépondreSupprimer"From portraits of iconic figures in the art and music world to powerful and moving self-portraits "
https://www.tate.org.uk/art/artists/robert-mapplethorpe-11413/photographs-robert-mapplethorpe
Merci de ceci ; artiste arithmétique, en effet plutôt préoccupé de (se) surprendre que de scandaliser.
SupprimerComme un écho, fiasco selon Pacino, pareillement polémique, mais l'un des meilleurs films de Friedkin :
https://www.youtube.com/watch?v=bn31G2SHkVE
https://www.youtube.com/watch?v=mpJ5K8Vt5V8