Folies d’avril

 

Un métrage, une image : Le Suspect idéal (1997)

Sans son casting ad hoc, pas en toc, Deceiver décevrait, ressemblerait à un ersatz en définitive assez fadasse et futile de Usual Suspects (Bryan Singer, 1995). Mais muni de Tim Roth (La Légende du pianiste sur l’océan, Giuseppe Tornatore, 1999), de Chris Penn (Nos funérailles, Abel Ferrara, 1996) & Michael Rooker (Henry, portrait d’un serial killer, John McNaughton, 1986), le petit exercice de style des jumeaux Jonas & Josh Pate prend une autre dimension, acquiert presque une autre ambition, que le jeu un peu oiseux du chat et de la souris de son incertain, malsain et ad nauseam recommencé récit. Une prostituée Elizabeth prénommée se fait donc trucider puis en deux découper, amitiés macabres à la fameuse Elizabeth Short, of course. Pourtant pas de « dahlia noir », plutôt un partagé désespoir, ludique ou tragique, puisque le premier flic doit du fric au bookmaker Mook, caméo en prime d’Ellen Burstyn (Alice n’est plus ici, Martin Scorsese, 1974), puisque le second, lui-même adultère very vénère, ne supporte plus sa femme infidèle, la Rosanna Arquette accidentée de Crash (David Cronenberg, 1996) s’y colle et ne rigole. En ce qui concerne le suspect, en tandem interrogé, au polygraphe passé, il s’agit, en plus d’un riche épileptique, d’un menteur pathologique, qui carbure aux médocs et s’absente, entre en transe, à l’absinthe, mince. Primé à Stockholm & Cognac, éclairé par l'excellent DP Bill Butler (Les Dents de la mer, Steven Spielberg, 1975 ou Capricorn One, Peter Hyams, 1977), Le Suspect idéal déploie sa lutte des classes avec une certaine classe, renverse les rôles, filme sa mise en abyme de jeu de rôle. Suspense heuristique, empoignade psychologique, il se suit sans ennui, sans passionner aussi. Néanmoins ce métrage mental, en boucle bouclée de final, de fausse mort, de même décor, construit à coup de « cruauté » couplée, de culpabilité décuplée, possède un point d’ancrage placé au creux du cœur du personnage de Renée Zellweger. L’aimable actrice de Chicago (Rob Marshall, 2002) et Judy (Rupert Goold, 2019) parvient en quelques scènes à composer une putain pour gratin ou fretin attachante et touchante, surtout lorsqu’elle se confie derrière une vitre guère lubrique ou philosophe en femme lucide, pas en fille facile, au sujet de notre solitude ontologique, masquée par les songes, les mensonges, les amabilités ou les atrocités. Dessillée, désillusionnée, pompette, certes, son Elizabeth tout sauf obsolète ne trompe ni n’illusionne (to deceive, vous suivez) personne, alors James peut par conséquent lui avouer sa nocivité, CQFD de la coda décalée…  

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