Le Temps d’un week-end
Un métrage, une image : YUL 871 (1966)
De l’exode à l’exil – un ingénieur
parisien aux parents roumains se casse au Canada, y musarde en compagnie d’une
aimable gamine, gosse à la « gomme », donc à bonbon, allons bon, y
visite une usine de « lourdes machines », dont le patron préfère les
polars de la Série noire à la science-fiction selon Ray Bradbury, tant mieux,
tant pis, y rencontre une drôle de blonde, portée sur le tir au pigeon et
promise émancipée d’un amateur de ballon rond concon. Au sein jamais malsain de
ce simulacre « provincial » du voisin américain, Denner ne désespère,
avec Hélène & Madeleine partage sa peine, celle d’un vrai-faux orphelin au
portrait de famille pieusement préservé, parmi sa valise emporté. Tout contre
la chair de la chère étrangère se donnent à voir et à entendre des souvenirs de
la seconde guerre, mais YUL 871 ne vise à rivaliser avec Hiroshima
mon amour (Resnais, 1959), même en noir et blanc élégant, son estivale
sensualité d’emploi du temps libre et libéré, liberté des heures et des mœurs,
à la dame le cul, au monsieur le cœur, située à l’opposé de l’érotisme japonais
atomique de Duras Marguerite. Dans le nocturne Ascenseur pour l’échafaud
(Louis Malle, 1958), Jeanne marchait au son du jazz de Miles ; Charles, plein de charme, acheteur d’une arme,
préfère celui un brin brésilien de Dompierre & Venne. Au pays rêveur, voire
rêvé, peut-il vivre son « rêve éveillé », retrouver ses géniteurs
étrangers, muets, mère à la fenêtre, présence suspecte, du montage affect ?
La conclusion nous répond non, s’envole et s’inverse l’avion, « Je
t’aime » sur la bande-son, à quoi bon. Figure de l’ONF, Jacques Godbout
l’homme de mots amoureux de Montréal se rêve lui-même en homme d’images,
pratique in fine leur arrêt en rime au « photo-roman » de La
Jetée (Chris Marker, 1962), item
hanté par une autre Madeleine, presque proustienne, celle de Sueurs
froides (Alfred Hitchcock, 1958), bien sûr. De retour en France,
l’anonyme magnanime emporte par conséquent le parfum d’une enfance, d’une
romance. « Au moins l’important, c’est que vous n’ayez rien perdu »
lui dit en adieu la belle Andrée Lachapelle et durant soixante-dix minutes
modestes, honnêtes, le spectateur explorateur, merci Jacqueline, ne perd pas
son temps, cette fois-ci en semaine.
Entre rêve de légèreté dans un monde de calcul et de raison et quête identitaire, de tendresse, un Charles Denner miraculeux miraculé esprit flottant sur un monde en peine de reconnaissance et d'amour ?
RépondreSupprimerMerci pour la dédicace !