The Collector
Je collecte, tu commentes, nous colportons
nos émotions…
Selon leur éducation, leur horizon,
leur prédilection, les cinéphiles penseront à William Wyler (L’Obsédé,
adaptation française trop explicite, presque un contresens), à Brad Armstrong
(de l’usage d’une brosse à cheveux et de masques tribaux dans le X US + Jessica
Drake for ever) ou à Éric Rohmer,
adepte reconnu du classement ludique. La collection, on le sait, peut vite
virer à la compulsion, à l’obsession (justement), à l’embaumement des
papillons. Au siècle dernier, on assemblait les VHS, puis vinrent les DVD,
désormais les BR. L’avantage d’une anthologie en ligne saute au visage avec la
même vélocité que la superbe et terrible créature de Giger perforant le sternum du bien nommé John Hurt :
fini de tapisser les murs avec des souvenirs portatifs ; oubliée, la
question (et la gestion) de l’espace (domestique, pas stellaire). Le numérique,
work in progress à la capacité de
stockage quasiment illimitée, externalise aussi les passions, permet de les
partager, de se faire caresser ou gifler pour un mot, une image (cela me va, je
ne me soucie que de mon propre jugement, et encore). Cette mosaïque mondiale nous
identifie, bien sûr, elle constitue un « portrait chinois »
globalisé, une sorte de patchwork
doué d’ubiquité, un « musée imaginaire » et virtuel à étoffer ad libitum (ou ad nauseam, selon les points de vue). Comme Victor Frankenstein,
baron sacrilège atteint d’hubris,
entendait recréer la vie à partir de pièces détachées piochées dans les
cimetières et les morgues (chacun se réinvente au quotidien via des événements, des lectures, des
sentiments, des usures, métamorphose invisible plus spectaculaire, dans sa
trivialité, que les boulons de Jack Pierce dans le cou de Boris Karloff), les
thèmes retenus, parcourus, illustrés, diffusés, nous reflètent en un miroir
brisé, aux éclats obscurs.
Au moyen de la page ci-dessous, vous
trouverez ainsi des livres dignes d’être lus (ça ne court pas les rues
contemporaines), de belles preuves de l’existence de la filmographie
britannique (n’en déplaise aux mânes de François Truffaut), les bouquins de
Stephen King sur grand écran, parfois petit, le cinéma d’Italie (avec un patronyme
pareil, murmurent ceux qui méconnaissent mon insularité), une année de « septième
art », au hasard (d’une découverte livresque de bazar), la Shoah et autres
réjouissances, l’Asie chérie, des glaces fugaces, de la musique dansée,
chantée, des visages en noir et blanc, présents dans leur absence, l’été,
invincible (Camus, of course) ou
nuageux, des filles du feu différentes de celles de Nerval (quoique), des
actrices de X (oxymoron ? Presque), la psyché au ciné, la bouffe (surtout
grande) du corps et de l’esprit. Dernier ajout en date (je patientais pour
visionner un ratage tardif en direct sur ARTE), une quarantaine de posts (et une double centaine d’images, disons) consacrés à Stanley
Kubrick, déjà croisé ici. Les innombrables et inaltérables raisons d’aimer les
films de SK ne manquant pas – je laisse l’exégèse à Michel Ciment et Michel
Chion, auteurs d’ouvrages importants, auxquels je rajoute un instructif dossier
de Positif
édité par Rivages, une biographie alerte de John Baxter et un bel album
regroupant son travail de photographe –, il me sembla pertinent (ou préférable,
plutôt) de laisser les images parler d’elles-mêmes (nous parler de nous) au
lieu de pérorer avec des mots réducteurs, dont ses poèmes audiovisuels surent
magistralement, régulièrement, se passer (mais il lui fallait tomber amoureux
d’un roman, quitte à en médire par la suite, pour l’adapter, le transformer, le
reconstruire, et critiquer le langage n’équivaut certes pas à s’en passer, à le
maltraiter). Bon voyage(s) immobile(s) et au plaisir de visiter les vôtres...
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