11.6 : Le Convoyeur
Suite à son visionnage sur le service Pluzz de France Télévisions, retour
sur le titre de Philippe Godeau.
Le « réalisateur » distribua
l’unique long métrage de Cyril Collard, Les Nuits fauves, produisit les
derniers films des réellement regrettés Christine Pascal (Adultère, mode d’emploi)
et Maurice Pialat (Le Garçu), le premier du tandem
Virginie Despentes/Coralie Trin Thi, Baise-moi (Le Huitième Jour, Mariages !,
Les
Sœurs fâchées, Mauvaise Foi, Danse avec lui, Largo Winch,
Les
Émotifs anonymes, Les Trois Frères : le retour
parsèment aussi son parcours). Avec 11.6, il adapte « très
librement » (précise le générique), en compagnie d’Agnès de Sacy, le court,
factuel et dispensable récit journalistique d’Alice Géraud (alors l’une des
plumes de Libération) consacré à l’affaire Toni Musulin, butant sur le
même mystère (ou son absence). Ce supposé « portrait psychologique »
(l’intitulé effraie) mâtiné de comportementalisme à l’américaine (jamais on ne
pense aux automates métaphysiques de Jacques Becker creusant leur Trou,
même si le protagoniste construit son propre mur de garage en trompe-l’œil) se
voit éclairé par Michel Amathieu (La Cité des enfants perdus, Chat
noir, chat blanc, Diplomatie) dans une tonalité
glauque similaire à celle de L’Adversaire (direction de la
photographie due à Jean-Marc Fabre, qui éclaira Un héros très discret, Pédale
dure, Camille redouble), esthétique
franco-allemande du drame voulu dépressif, aliéné, documenté sinon
documentaire, malgré sa stylisation pasteurisée. François Cluzet sourit,
s’énerve, roule en Ferrari, mastique, pratique le krav maga devant la machine à
café, vole sans violence des voleurs de minutes et donc de salaire, couche avec
Marion sans la toucher, rêve d’une romance alpestre avec Natalia, se débarrasse
d’une souris blanche, va voir sa gentille grand-mère, se rend dans un
commissariat monégasque, le tout durant une interminable centaine de minutes.
On regarde ce téléfilm insipide, amorphe,
illustratif, en se disant qu’il représente assez bien tout un (trop vaste) pan
du cinéma français contemporain, prétendument abouché à la réalité via le fait divers (comme s’il suffisait
de puiser dans la véracité pour atteindre une quelconque vérité), incapable de
saisir le monde, les êtres, les paysages, les rapports de force, les
aspirations, les énigmes existentielles ou le vide des personnalités (Romand
errait sur les routes suisses, rêvant peut-être au massacre des siens ; Musulin
y échafaude méthodiquement son casse en velours et en parpaings). La biographie
filmée fait l’impasse sur le passé parcellaire du convoyeur d’origine serbe, qui
se dit de gauche et enrage froidement contre le « système », lui
invente une amitié masculine bancale, une esquisse d’histoire d’amour
superfétatoire, le quitte encore en prison. Dans cette œuvrette très
franchouillarde, on voit des prolétaires infantiles, « basanés » ou à
l’accent belge, des « bistrots » fréquentés par le « populo »,
des fêtes tristounettes, réunion de réveillonneurs avinés ou de bourgeois bien
sapés, on hume les relents d’une misogynie élémentaire (« C’est des
putes » déclare Toni à propos d’un duo nocturne aux robes courtes à
Monaco), entre idéalisme (l’inconnue, symbole de pureté, de hauteur) et
trivialité (la passe dans le fourgon), on ne sent à aucun moment l’odeur
écœurante de l’argent, toute l’entreprise finalement réduite à une farce
sinistre, un bon mauvais tour joué à une société (double sens) d’exploiteurs et
d’exploités, marxisme de maternelle dans une bande doublement portée, devant et
derrière la caméra, par des
morts-vivants inconscients.
Seule lueur de vie, de beauté, de
colère, de candeur adulte et de désir inassouvi dans ce marasme méta :
Corinne Masiero, femme grande, drôle, attachante, nordiste dotée d’un langage
cru et tendre, actrice incarnée, marginale, étrangère au milieu incestueux des
« professionnels de la profession », par ailleurs « révélée »,
la quarantaine passée, par le déjà cacochyme Louise Wimmer,
vue en outre à la TV au côté d’un Anglade ou d’un Depardieu selon Josée Dayan
(romans de Fred Vargas et récent Capitaine Marleau). Les rares scènes où elle apparaît s’animent enfin, bougent et respirent, à son image,
qu’elle danse (se trémousse), enlève au lit son haut inutilement, engueule le taiseux musculeux ou réponde attablée dans son établissement aux questions
d’une blonde journaliste (boucle bouclée). 11.6 (note très généreuse pour une
copie bien inférieure à celle de Nicolas Boukhrief citée en sous-titre de notre
article, dont on préfère cependant le gérontophile Cortex) doit (ou pas) se
subir uniquement pour la comédienne, qui méritait mieux qu’une virée en
territoire de parvenus et une peinture atterrante, dépourvue de la moindre
inspiration, d’un délit « mineur », amorti par les assurances, payé
de quelques années emprisonnées, agrandi par les médias et l’opinion publique.
Ni Robin des Bois ni Tony Montana, Toni Musulin, solitaire sphinx silencieux
apprenant l’anglais en taule, tandis que son double fictionnel regarde La
moutarde me monte au nez (référence ironique ?) en plusieurs
langues, dut se sentir aussi peu concerné par ce biopic anémique, exsangue, si propre sur lui, que par sa gloire
numérique (en homme d’action, il méprise à raison ceux perdant leur temps sur
un écran). Idem pour nous-même, car
nous n’attendrons pas (une seconde fois, le prochain crime audiovisuel absurde commis
par) Godeau.
Corinne Masiero dans la série PJ un extrait (avant que ça ne finisse très mal): fr.facebook.com/corinne.masiero.officielle/videos/1624808268800/
RépondreSupprimerBorderline | Thriller, Action | Olivier Marchal | Film complet français
https://www.youtube.com/watch?v=tyx3hXjjWBo
https://www.youtube.com/watch?v=tiAasN625Os
Supprimerhttps://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2016/05/les-lyonnais-le-prix-du-danger.html
https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2014/12/la-ruee-vers-laure-deux-ou-trois-choses.html
Bonus :
https://cineday.orange.fr/actu-cine/kaiser-karl-la-vie-de-karl-lagerfeld-est-officiellement-adaptee-en-serie-CNT000001DYzFT.html
Merci pour le partage des liens,
SupprimerMonsieur Karl était autre chose que l'ombre réargentée de Coco,
photographe sensible, cultivé à la mode de l'ancien temps, un peu dans l'esprit d'un Jean-Michel Frank...Documentaire Arte
https://www.youtube.com/watch?v=_eig04sBZNA
https://www.youtube.com/watch?v=pfmz_MDS0u8
Supprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=R4sUnglqVdY
https://www.youtube.com/watch?v=1swzjZvAeiI
https://www.youtube.com/watch?v=pHy3wFpgVvk
Bonus pour vous : Isabelle Huppert, Cannes mai 2007. La comédienne a fait partie des soixante stars à défiler devant l’objectif de Karl Lagerfeld pour le numéro spécial de “Madame Figaro” lors du 60e anniversaire du Festival de Cannes.https://www.polkamagazine.com/je-ne-suis-pas-un-artiste-je-fais-des-collections-et-des-photos-karl-lagerfeld/
SupprimerPas de nostalgie chez lui, pourtant ceci :
SupprimerQu’est-ce qui vous intéresse le plus dans une image : l’information qu’elle vous apporte ou l’émotion qu’elle suscite en vous ?
Ni l’une ni l’autre. Seule la composition de l’image m’intéresse. L’émotion naît de la composition. D’où ma passion pour le cinéma muet, où les cadrages sont parfaits. Alors qu’aujourd’hui, les cinéastes appuient sur le bouton… et vas-y donc !
https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2015/02/reflets-dans-un-il-dor-stanley-kubrick.html
https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2017/09/dancer-in-dark-les-humeurs-de-brieuc-le.html