Les Cinq Premières Minutes
Compte à rebours inversé, usure des jours, fovéa sans foi ni loi…
Incipit en uppercut. Premier plan sidérant. Tout va
très vite. L’orgasme à soixante-six secondes des caresses. Le divorce dans le
sillage des noces. Des mots mort-nés. Une sublime salope stellaire suçant
assidûment la spirale de son désespoir. Le lapin d’Alice à la bourre. Conception
de l’écriture mon cul. Pratique et file-moi la trique. Pas du rap et nul ne dérape. Avoir la vie
tailladée braillait Aubert à New York. Ivresse de la vitesse. Sensualité de la
rapidité. Sur l’autoroute baiser avec l’horizon. Sur Internet du débit à
foison. L’existence ne possède aucun sens. L’art non plus. Garde-toi des
marchands de significations issus ou non de la religion. Manger du poisson le
vendredi. Se voiler en public. Déposer des cailloux sur une tombe. Belle obéissance
réconfortante à l’arbitraire risible du dogme. Cortège laïque des rituels originels.
Premier visage. Premier miroir. Première gifle. Première maladie. Première
école. Premier film. Première masturbation. Premier baiser. Premier examen. Premier boulot ou chômage. Premier
crédit. Première voiture. Premier appartement. Première progéniture. Premier
adultère. Première dépression. Première évasion. Premier signe de vieillesse. Premier
deuil. Dernier cercueil. Identification ou désolation par inscription dans le
jeu social. L’absurdité de l’ordre établi des choses de la vie. L’état
scandaleux du monde misérable. L’avaler jusqu’à la lie en poison quotidien au goût
d’ambroisie. Prisons le récit et délaissons la poésie. Au cinéma il faut une
histoire. Des personnages un scénario et une morale. Mimesis empathie catharsis.
Trinité sanctifiée des images narratives figuratives signifiantes. Bien trop
vieux pour ce ramassis de conneries. Fatigué de m’injecter de la came
audiovisuelle coupée.
Le grand éblouissement. Le séisme
sensoriel. L’implosion à travers la vision. Qu’ils adviennent de mon vivant.
Que les acteurs ne fassent plus semblant. Tu disposes d’un temps limité pour me
séduire. Speed filming. Je veux du style. Je me contrefous de ce que tu veux dire.
Empire-moi. Deviens l’impératrice rouge de mes nuits blanches dans les salles
noires. Pas une minute à perdre avec toutes ces petites merdes avortées à
satiété en soirée par trois fois 1 2 3. Précéder la lumière du projecteur. Lire
dans les pensées à ciel ouvert. Battements de cœur au tempo de tachycardie.
Sautes d’humeur et de photogrammes. Le film-réalité s’embrasse aussitôt.
Flammes de jouissance de la salamandre. Obscurité aveuglante. Blessure
immanente. Des métrages d’un autre âge. Assez d’écrire en illettré à propos
d’enfantillages. Un souhait d’autodafé. Votre foi on s’en passera. Coupe et
recoupe sur ton PC. Démonte la trame la temporalité l’utérus. Des milliards d’électrons
dans un seul regard. Une infinité de possibles pour un commerce séculaire.
1895-1995 ou cent ans de hors-champ. Brisure de la collure. Langage libéré.
Outrage raisonné. Pas une once de pitié. Time
is money selon la prostituée. Nouvelle vague de crimes en série. Nouveautés
du mercredi torchées par des jeunes déjà vieillis. Oubli des vieilles gloires
et des amours d’hier. Cendres sur la tête. Sang sur le drap. Foutre explicite
sur le fauteuil du multiplexe. Un texte par jour mon amour. Conjurer l’insanité.
Puis ralentir au risque de s’évanouir. Vingt-quatre cadres et l’unique fenêtre
de l’écran. Un spectateur à cran sur le point de se défenestrer. Une psyché
prise de l’envie de se briser. Comme d’innombrables éclats où me revoilà. Au
même point de vue dans la mise au point de l’objectif. But et cut.
Embruns sur la roche. Morceaux de pellicule
au sol de la mémoire. Refaire le remake.
Cesser de faire le malin. Tracer des lignes ou en renifler une au lance-flammes
et non au goupillon. L’ignominie quasi
congénitale de la filmographie nationale. Le tas de déchets servilement
commenté déversé partout par L.A. Puisque vous ne méritez rien d’autre. Car on vous
apprend cela dans les écoles de cinéma. Pour désapprendre il convient de
savoir. Ressentir l’agonie de l’éphéméride. Tu résides à l’abri. Tu macères dans
les subventions. Tu oses solliciter le financement participatif. Tu ignores la
morsure du réel le vide cosmique la terreur physique. Malgré ta bonne santé tu
voudrais nous parler de nous-mêmes. Tu ne sais rien de nous. Tu ne vis pas au
même endroit. Continue donc à faire comme si tout allait. Persiste à critiquer
gentiment des crachats et des excréments. Va voter dans le simulacre de la
démocratie et inversement. Pas de politique parasitaire. Pas de radicalisation
de la réalisation. L’humanisme œcuménique. Le respect des bourreaux. La
collusion de la paresse de la bêtise de l’abrutissement flagrant. Sache
cependant que vomir l’univers et se révolter contre les sociétés constitue la
condition sine qua non de la plus humble
et suicidaire création. Comment tout ceci finira ? Tu le liras bien
silencieux lecteur et foutu païen. Dans le faste furieux défile la fameuse
fissure en forme de foudre. Détends-toi. Cueille ton quota. Fais gaffe au
clébard luciférien. Emmure tes lamentations ou la voyante de Fulci. Les démons
saluent ton retour. Les anges continuent à s’enculer à la Cocteau. Tu te tiens
au bord des lèvres du précipice horizontal. Inutile et futile de réfléchir ou
d’atermoyer. Alors tu sautes et sembles mettre une belle éternité à
tomber.
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