Et la tendresse ?... Bordel !
Tel un autodafé de personnalités, de sentiments, puis de pellicule…
En suivant d’un œil, d’une oreille et
de dos le duo Guillaume Canet/Guillaume Galienne venu promouvoir (un salut à la
clairvoyante et démocratique association, bien sûr) dimanche soir chez Laurent
Delahousse (il faudrait presque fusiller tous ces VRP de JT, leur enfoncer dans
la gorge l’obscénité de leur simple présence après l’horreur journalière infligée
aux heures de repas, la leur faire ravaler, et avec elle leur morgue de
camelots) la dernière déjection de Danièle Thompson (fille de), on se fit cette
réflexion : quelle sale gueule que celle du cinéma français contemporain. En
costard, bien peigné, bien maquillé, le Janus, comme de juste, rivalisa d’amabilités,
de complicité, d’autosatisfaction, d’aisance – après tout, la TV perfusant la cinématographie
nationale, ils se retrouvaient dans leur vrai foyer, en effet, en terrain
conquis, soumis, asservi – afin de bien nous persuader que ce biopic possiblement anémique (frisson
horrifié aux extraits), dédié à l’amitié entre Cézanne & Zola (au secours),
s’avérait sinon un chef-d’œuvre (l’épicier se méfie de l’hyperbole, craint le
ridicule perçu dans le regard d’autrui), tout au moins une œuvre remarquable,
essentielle, culturelle, bande de béotiens, de banlieusards, de bigots, surplombée
de surcroît par le double surmoi esthétique de l’Art (la littérature copule
avec la peinture et accouche de tels avortons). Le tandem stakhanoviste (ils remirent cela mardi à 21 h dans le
nouveau programme du cinéphile Laurent Ruquier, l’insupportable animateur pouffant
à la seule idée nécrophile de tripatouiller les cendres refroidies, délaissées sans
regret, de Pierre Tchernia et Jacques Rouland, se gargarisant d’un aréopage de stars françaises, requises à Deauville
ou Angoulême, en hors-d’œuvre laudatif) fit en outre l’apologie, frisant le prosélytisme
(le bouddhisme, une philosophie, pas une religion, serinent ses adeptes), des
mantras du Lama, dans le sillage de leurs homologues ricains (extinction du
désir en but ultime de la vie : on vomit ici aussi).
Comme si cela ne suffisait pas, on
apprenait via la Toile, poubelle à
ciel virtuel, que 2016 sonnait le glas, rien que cela, de l’amour à Hollywood (une pensée pour Curtis Hanson),
le quartier surmédiatisé de L.A. en proie à une épidémie de divorces en série,
aux victimes plus ou moins prestigieuses (Amber & Johnny, Angelina & Brad,
Helena & Tim, par exemple, et on s’arrêtera là, au risque de se croire dans
un bouquin de Bruce Wagner, l’apôtre du name
droping enrôlé par David Cronenberg
se prenant pour Billy Wilder avec sa carte apparemment pourrie des étoiles
dérisoires). Voici ce qu’on appelle cinéma, aujourd’hui, les amis ; voilà
ce que l’on avale à longueur d’émissions, de sites, d’articles, d’entretiens.
Le loyer, la bouffe, l’eau et l’électricité, le salaire de misère, la solitude
à plusieurs, la bêtise (et pathologique, pour ainsi dire, sorry Hillary) victorieuse se présentant aux élections US et
hexagonales, la guerre en Syrie dont tout le monde se fout, à l’exception de
notre président abonné à la normalité (« Je n’ai qu’un seul mot à dire :
ça suffit » – et en plus, il ne sait pas compter), tellement concerné qu’il
s’empressa d’aller bombarder les « insurgés » (quelques civils en sus,
œufs cassés collatéraux, paix à leur âme entourée probablement par les houris), les boîtes
qui ferment en domino (l’entreprise Logo en Savoie, remerciée par LVMH, ces
bienfaiteurs de l’humanité spécialisés dans le luxe), les migrants « emmurés »
à Calais (Plantu en donneur de leçon bien-pensant et gratuit pour Marie-Sophie
Lacarrau, dessin inspiré de Rodin à l’appui), on en passe et des pires, tous
ces miasmes se dissolvent par magie dans le baume du « septième art »
tamisé par le petit écran télévisuel ou numérique.
La poudre de perlimpinpin s’apparente
à de la coke, et de la bonne, camarade-esclave,
tu peux me croire, elle te fera oublier pendant une poignée de minutes ou
durant deux heures (durée moyenne d’un long métrage : fixée par qui d’autre
que les bien nommés exploitants, histoire de rentabiliser au maximum leur journée, leur cinq séances
quotidiennes) ta vie minable et tes rêves exécrables. Donnez-nous aujourd’hui
notre amnésie du lendemain, chers maîtres avenants et inflexibles, continuez
bien à nous défoncer avec ou sans votre vaseline magnanime. La révolution, nous
la ferons plus tard, elle se fera sans nous. La beauté, la réalité, on s’en
délestera vite, trop exigeante et cruelle. Le talent, on le noiera dans les
marécages beuglants des télé-crochets. Le cinéma, on n’y pensera pas, on le défera
méticuleusement, on l’enterrera sous des tombereaux d’inepties, de contrats, d’arrangements,
de services après-vente et de cahiers des charges. Le film dont l’amateur de
cheval et le contempteur d’amatrice (quoi ? Une actrice non professionnelle
empoche un César en jouant les femmes de ménage apprenant la langue de Racine ?
Mais de grâce, chacun chez soi hors de la grande famille consanguine de la
profession des professionnels) se firent les chantres enjoués, ne vous
inquiétez pas, vous le verrez sous peu au même endroit. Et si les désunions
étasuniennes vous affligent, dans leur vraie vie de simulacres, on vous
consolera sans tarder avec des comédies romantiques donnant la diarrhée ou
envie de pratiquer une TS. En septembre 2016, au dernier jour de l’été (meurtrier,
surtout en France), il convient de se réjouir de ces immondices et de les
relayer jusqu’à la nausée (ce que nous faisons à notre tour, pas meilleur que
quiconque, en vérité). « Tous contre un mur », alors ? Pas loin,
pas loin, merci bien et au plaisir de ne jamais vous revoir.
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