Ouvre les yeux


Un métrage, une image : Vidéodrome (1983)


Voici un film social plutôt que politique, cartographiant un nouveau territoire avec une grande ironie (celle, déjà, de Frissons) et laissant à d'autres (Lumet et Network, par exemple) la « critique des médias », « tarte à la crème » rassie et « politiquement correcte ». Cinéaste existentialiste, Cronenberg interroge sans cesse la réalité à partir du corps et de l'esprit, inséparables comme le capitaine et son bateau, pour parler à la façon de Descartes dans ses Méditations philosophiques. On trouve aussi chez lui, grand lecteur de Nabokov, un identique génie du patronyme : Max Renn, le professeur O'Blivion et sa fille Bianca, Nicki Brand et Barry Convex, sans oublier le nom, jubilatoire et contradictoire, de la chaîne télévisée, Civic TV ! Contrairement à la nature « réactionnaire » de l'horreur, il ne cherche pas à regagner un état d'origine, supposé meilleur, mais célèbre toutes les métamorphoses, avant la mort terminale, « image manquante » et conjurée par des illustrations gore ou religieuses (la pietà finale, fraternelle et homoérotique de Faux-semblants, par exemple), ce qui le rapproche de son ami Clive Barker. Enfin, Eli Roth, digne héritier de Deodato, reprendra la thématique des snuff movies, « légende urbaine » disponible (presque) tous les jours au journal télévisé, pour Hostel, son diptyque « marxiste » à l'heure de la mondialisation numérique, la red room de Vidéodrome (et de Laura Palmer, autre femme blessée sous sa séduction « perverse ») désormais devenue un abattoir métaphorisant aussi bien Auschwitz que Abou Grahib...

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