Les Cendres du temps
Un métrage, une image : Il était une fois dans l'Ouest (1968)
Il ne faudrait pas oublier l’apport
d’Argento à Il était une fois dans l'Ouest (dont le titre original, Il
était une fois l'Ouest, indique davantage la cosmogonie que le conte,
la volonté démiurgique du réalisateur), qui pratiqua lui aussi la griffe du passé, trauma ou tableau à
sans cesse évoquer, conjurer, ni celui de Morricone, transformant les films en
opéras populaires (Puccini plus que Verdi), sertissant leur lyrisme latin. Pareillement,
on devrait se pencher sur la place et le rôle des femmes chez Leone, madones et
putains, objets de culte et de viol (celui de Il était une fois en Amérique,
par exemple). Les entretiens du réalisateur avec Noël Simsolo demeurent un précieux
trésor, tandis que l’héritage leonien se vérifie auprès d'autres maniéristes
sensuels et mémoriels (Wong Kar-wai et son Grandmaster en tête, citant musicalement
le testament impromptu du cinéaste). Celui qui trouvait à juste titre stupide,
voire diffamante, l’expression « western spaghetti », partage aussi
avec un auteur du Nord le même cinéma mental et mélancolique, Tarkovski, bien
sûr, dont Stalker et surtout Nostalghia,
peuvent se lire en compléments, en échos ajustés
à l'odyssée intérieure de Robert De Niro dans sa fumerie opiacée (et cabine de
projection). La geste du troisième Sergio (avec Sollima et Corbucci) s’achève d’ailleurs
sur son sourire – pas le moindre de ses envoûtements...
Enfant du fascisme, de la BD, du
cinéma, digne successeur de Visconti (réalisme social) et Fellini (onirisme
subjectif), Leone filme le temps des individus et de l’Histoire, quelque part entre
Proust et Perec, mais encore celui des songes éveillés du « septième art »
(malgré le mépris critique à ses débuts). Après un galop d’essai dans le
péplum révisionniste (genre qui métaphorise souvent des situations
internationales précises), il élit le western pour ses fables sur le
capitalisme, la guerre ou la naissance d’une nation, dans les pas de Ford (son
père vengeur, obsédé par le fantôme de sa fille, cherche lui aussi sa
prisonnière du désert) et du vérisme opératique (en art, la crasse et la sueur
deviennent également des conventions) – loin de toute « démystification », ce
cinéaste populaire et politique crée sa propre mythologie documentée, sur
laquelle plane l’ombre de la Shoah et du terrorisme, passant vite de l’ironie à
la mélancolie, ne regrettant pas hier mais dynamitant les dernières utopies
avant de s’évaporer dans les volutes d’opium d’un souvenir (de cinéma,
d’enfance) indiscernable du rêve ; à des années-lumière des profanateurs de
sépultures de la post-modernité, pris dans l’étau du cynisme et du
sentimentalisme, il met en musique des épopées intimes alimentées par l’échec
et la culpabilité, les femmes inaccessibles et la mort toujours au bout du chemin
(et du regard), chaque film s’apparentant à un tombeau, celui des illusions et
du désir, et d’autres après lui viendront fouler la poussière du cimetière,
d’Eastwood lui dédiant son crépuscule impitoyable à Tsui Hark & Ringo Lam
terminant leurs œuvres dans des nécropoles, juste retour des choses pour celui
qui s’inspira de Kurosawa, prit congé par une évocation funèbre de
Fitzgerald valant tous les Gatsby puis un projet inabouti sur le siège de
Leningrad. Trente ans plus tard, le téléphone de Noodles sonne toujours...
L'oeuvre de SERGIO LEONE qui est son rêve américain qui a bercer son enfance et spectateur, chargé de film de gangsters " L'ENFER EST A LUI" de RAOUL WALSH, " les anges aux figures sales" de MICHAEL CURTIZ, "MURDER INC" de BURT BALABAN et STUART ROSENBERG. De la structure éclaté de "CITIZEN KANE" et des rivalités de gang digne de "RUE SANS ISSUE" jusqu'au théâtre chinois de " LA DAME DE SHANGAÏ" de ORSON WELLES" sans parler de ce que représente les deux stars du film qui véhicule d'énorme stigmates.
RépondreSupprimerJoli chapelet de références, auquel on pourrait rajouter les Beatles (Yesterday) et Proust, bien sûr : si Visconti rêva longtemps, mais sans succès, d'adapter La Recherche, Leone, avec son mélancolique truand opiomane, parvint à donner un visage inattendu et bouleversant au narrateur de cette autre cathédrale laïque (et littéraire)...
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