La Part des ténèbres
Un métrage, une image : Cannibal Holocaust (1980)
Deodato, formé par Rossellini et
Corbucci, signe avec son diptyque (Le Dernier Monde cannibale en
premier tableau) une lecture hardcore
du Tristes
tropiques de Lévi-Strauss, qui n'exclut ni la satire ni le
questionnement méta. Les deux films doivent beaucoup au contexte de leur
production, cette Italie des « années de plomb » à la violence (sur)médiatisée.
Le second représente un saut qualitatif et réflexif à ce jour inégalé (et
inégalable grâce aux associations de défense animale). La censure dont il fit
l'objet ne manque pas d'interroger. Rappelons un truisme : les seuls snuff movies disponibles, on les trouve
légalement et en toute impunité aux journaux télévisés, à l'heure du repas (« Attention
à certaines images qui peuvent heurter la sensibilité du spectateur »
salivent les présentateurs, avatars de Tartuffe). Que l'abattage réel d'animaux
et des trucages issus de la débrouillardise du cinéma de genre (ah, cette « indigène »
empalée sur une selle de vélo…)
suscitent aujourd'hui encore un tel rejet en dit long, à la fois sur
l'hypocrisie d'une société qui aligne dans ses supermarchés les cadavres sous
vide, et sur le talent du réalisateur, salué par Leone, appliquant les leçons du
néo-réalisme pour franchir la sacro-sainte frontière mimétique et donner dans
la praxis (lieu d’élection de la
pornographie, certes). Cannibal Holocaust représente ainsi le
film apocryphe du cinéaste bourlingueur portraituré dans King Kong, mélange d'ultra violence bien en deçà de ce que
l'on peut vivre dans la vie "réelle" (car toujours du domaine de la représentation), de film d'aventure à l'aune du
révisionnisme des années 70 finissantes, et parabole mélancolique sur la
civilisation (notamment celle des images) portée par la douceur élégiaque de la
musique de Riz Ortolani.
Concernant Hostel, le double volume de Roth et son digne héritier, l'ombre d’Auschwitz plane sur le premier volet (la cheminée de l'usine où se
rend Miike) et celle d'Abou Grahib sur le second, avec ses business men recrutant leurs proies de façon « globalisée ».
Les deux titres s'avèrent un brillant exemple de cinéma « marxiste »
qui n'oublie jamais l'autodérision ni la reformulation des grands mythes ou des
légendes « historiques », telle la vie « rêvée » d’Élisabeth
Báthory, qui nous vaut une éprouvante saignée
dans le chapitre II, plus glamour – Edwige
Fenech en professeur de beaux-arts – et référentiel (caméo du délicieux Deodato en cannibale,
forcément) que le premier, qui retravaillait le Petit Poucet américain et
puceau redécouvrant le charme sauvage des Carpates après les guerres dites « ethniques ».
Grave ou ludique, comme apparemment l’enfer vert de son dernier opus, le cinéma
d'horreur incarne toujours la double fonction cathartique de la tragédie – terreur
et pitié – depuis Aristote, nous donnant à éprouver
des contes finalement très moraux, coups de sonde impitoyables dans la nuit du cœur
(jadis arpentée par un Weegee à New York, guide rapace de l’enfer au jour le jour,
dans sa séduction maléfique et « banale »), qui nous interrogent sur
notre appétit de vivre, notre mort inéluctable, « fulgurant montage »
vraiment final de nos existences
(Pasolini), notre regard pollué par de quotidiennes images virales et notre « humanité »,
perdue ou retrouvée, réaffirmée in
extremis.
Vita da can... http://jacquelinewaechter.blogspot.com/2015/09/poeme-du-milieu-en-forme-de-rien-du-tout.html
RépondreSupprimerPandémonium transalpin bien dépeint par vos soins, "monde de chien", en effet, depuis d'innombrables années...
Supprimerhttps://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2017/04/gomorra-ave-maria.html
https://www.youtube.com/watch?v=QHH9EYZHoVU