Printemps tardif

 

Un métrage, une image : En attendant les hirondelles (2017)

Trois histoires, reliées par une route tout sauf au hasard, pour trois couples, eux-mêmes en (dé)route, vers un avenir algérien incertain + un quatrième (larron) quidam, frère (humain) taciturne en train de marcher, en boucle bouclée, au cœur de la cité : le triptyque politique se place ainsi sous le signe triste de la division, de la tension, de l’opposition, de la culpabilité partagée, généralisée, de la violence présente, passée, de la réussite, du plaisir et de l’espoir, aussi, car Karim Moussaoui ne cède aux sirènes de la superficielle sociologie, ne se plie au programme implicite, à haute teneur dramatique, ne se suffit d’un pessimisme de saison, printanière ou non. Un entrepreneur de BTP, un chauffeur (r)échauffé, un  médecin sidéré, nous entraînent vite à leur suite, au sein d’un pays peu serein, rural et citadin, ancestral et contemporain, (re)visité en travelling avant surélevé ou en douce dolly. Social et sociétal, sensuel et sensoriel, l’opus possède, surtout, un excellent casting choral, mention spéciale à Nadia Kaci, dont l’incarnation d’une victime de viol collectif, commis jadis par des « terroristes », à monologue rétrospectif, mérite à elle seule le visionnage du célébré (premier) métrage. Si, entre couardise de la bourgeoisie et sentimentale/sexuelle mélancolie, les deux items se basent sur l’inabouti, l’inassouvi, du récit, de la vie, le troisième représente une sorte de tour de force, tendre et féroce, en réponse intestine, lucide, délocalisée, ajustée, au cauchemar guère « climatisé » du souvenir (r)éveillé de Outrages (De Palma, 1989). Ici, la métaphore du conflit fratricide affiche un corps, celui d’un enfant « différent », craintif, plaintif, qu’il s’agit donc d’admettre, de reconnaître, de nommer, au propre et au figuré, de rencontrer, réconforter. Même handicapé de quelques tics auteuristes à la (co-productrice) ARTE, dispensable cantate de Bach incluse, l’essai sombre et solaire, brutal et musical, ne sait laisser indifférent et séduit modestement.

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