Hair + Pink Floyd The Wall : Expendables
L’unique et l’inique, le numéro et le morceau…
Sur le fond en reflet de chansons à
succès, écrites pour contester, les séquences font s’affronter l’individu et la
collectivité, les solitaires et la masse. Dans les deux cas, complémentaires,
contradictoires, il convient de donner à voir un double processus d’impuissance et de dépossession, l’affreuse façon dont
l’armée américaine puis l’éducation anglaise transforment fissa les soldats et
les élèves en « chair à canon », en « chair à pâté », au
sens cette fois littéral, le figuré congédié. Si Forman filme une arrivée en retard, un sauvetage survenu trop tard, une coupure temporelle, de croix et de
chevelures une ribambelle, Parker plonge parmi l’esprit point serein ni malsain
d’un petit poète humilié en public, à proximité de ses condisciples
antihéroïques. Chez le premier, l’aboiement des supérieurs prépare le terrain
psychotique de Full Metal Jacket (Kubrick, 1987), la soute de déroute d’un
avion vert, outre vite mener au cimetière, s’apparente à un trou noir, à la
gueule ouverte d’un Moloch ad hoc, qui se goinfre de trouffions
affirmant leur foi. Chez le second, Zéro de conduite (Vigo, 1933)
rencontre If…. (Anderson, 1968) et au funeste aéronef se substitue la
surréaliste et surtout sinistre usine qui turbine à plein régime, n’épargne
aucun des pantins défigurés, masqués, muselés, « toute ressemblance »
avec notre actualité contaminée tout sauf une accidentelle « coïncidence »,
le puits de nuit remplacé par un gros hachoir en solide acier. Poétiques et
politiques, les opus ne succombent
pas une seconde à l’esthétique du clip, à son montage majoritairement
surdécoupé, comme si l’image animée, musiquée, devait se soumettre de fait au
rythme souvent rapide de la pop, du rock.
Ils s’autorisent l’immobilité autant
que le mouvement, changent les échelles, varient les valeurs de plans, associent horizontalité, verticalité, visualisent le vide, pratiquent
la perspective et la diagonale, décrivent, au sein de l’espace et à l’intérieur du temps, un univers aux allures d’enfer, une fabrique infernale, où
l’uniforme, militaire et scolaire, non seulement oblige à perdre son identité
mais au-delà sa vie. À côté d’une colère partagée, rentrée ou éclatée, du
nombre pour ainsi dire renversé, multitude négative versus son homologue positif, manière de signifier l’insuccès d’une
issue personnelle, la nécessité d’une solution plurielle, les réponses au
problème posé, élargi à l’envi, irréductible à un contexte obsolète,
stratégique ou pédagogique, divergent cependant. Forman affiche un pacifisme
festif, capturé en « effet de réel », foule (à la « baba »)
cool, solidaire, sincère, guère
vénère, pas de dégradation de drapeau, point trop n’en faut, face à une fameuse
« maison » pas vraiment immaculée. Parker, en correspondance avec du punk la violence, envisage un saccage
cathartique, à bas les briques, un embrasement généralisé, le mobilier, les cahiers
au feu, le maître, à « main leste », à cravache vache, lui-même à
domicile malmené, voire émasculé, remarquez le portrait de la Reine, quelle déveine,
évidemment au milieu, plutôt emporté vers un juste châtiment, miroité
hors-champ. Toutefois l’enfant ne fait que rêver éveillé, sa main frappée
frotter, tandis que les hippies
actualisent, réalisent, l’utopie d’une révolte propre, sans ressentiment, fi de
fantasme réparateur, rempli de terreur. In
fine toujours sacrifiée, enrôlée,
enrégimentée, cf. le surcadrage idoine des formats utilisés, disons carré,
allongé, la jeunesse en détresse, interchangeable, indomptable, chante et
déchante, chœur de nécropole ou chœur de casseurs.
Solaire et incendiaire, ces deux
scènes célèbres, extraites de Hair (1979) et Pink Floyd The
Wall
(1982) invitent en définitive à une
révolution de saison, à une insoumission d’occasion, nous rappelant au bon moment
qu’au ciné, a fortiori fermé, fermente la fronde, s’épanouissent les puissances
du non, se manifeste l’horizon et que l’ordre établi, préétabli, du
conformisme, de l’autoritarisme, du cynisme, ne mérite que le mépris, la mise à
sac immédiate, que les mensonges tissent des suaires, que l’enfance, en sus
sise en situation de transmission, ne devrait rimer avec souffrance, qu’il
faudrait, une quarantaine d’années après, enfin apprendre à désapprendre, à
(se) décider de ne plus collaborer, terme en France très connoté, avec le
burroughsien « film-réalité » d’un quotidien trafiqué, (pré)fabriqué,
esclaves dociles d’un script
policier, à notre place et selon notre patiente complicité rédigé. Le cinéma ne
divertit pas, pas uniquement, il nous (re)met sur la bonne voie, celle de
l’imaginaire, de l’énergie, de la beauté, de la lucidité, parfois, comme au
cours de ces films-là, directement au contact cauchemardesque de nos sociétés à
la liberté confisquée, patraque, simulacres de démocraties aux attentistes et tristes s(t)imulations
rassies.
Pink Floyd est un bon résumé d'où ça mène tout ça, une musique bardée de technologie dès le début, je me souviens d'avoir assisté à des concerts en quadriphonie à Paris où le temps de réglage des bahuts d'amplis et autres machins nous avaient bousillé les oreilles avant que la transe ne commence, Pigs et le cochon volant qui fonçait sur nous, une baudruche aux yeux hypnotiques artificiels certes mais pour moi qui avait visité la fameuse usine de la pochette de l'album à Londres lors de mon adolescence aventurière, ça ne présageait rien de bon, plus tard aussi assisté à un show à Versailles, à quatre kilomètres de là les fenêtre du petit appartement hlm de mes parents tremblaient tout ce qu'elle savaient, il y a eu quelques infarctus même chez quelques vieux pas informés peut-être qu'ils se croyaient revenus en temps de guerre ?, et après le concert c'était comme après la Bérézina.
RépondreSupprimerWaters est un fondu grave de chez grave mais un visionnaire, c'est une musique sacrificielle, la technologie est en train de tout bouffer et elle est révolutionnaire, plus besoin de souffrir d'éducateurs , juste des applications de la virtualité, l'assignation à demeure et le vaccin ogm qui modifie la structure du brin de la torsade humaine, la voilà la vraie révolution et elle fait comme toutes les révolutions, table rase du passé au profit de quelques uns comme toujours, en attendant le déluge, soyons esthètes, attendant la fin qui ne saurait tarder dans de beaux décors trompant notre attente de quelque divertissement ou relisons Pascal qui au final avait bien raison de frémir du propos homme machine de Descartes...
Mais les machines possèdent aussi leur propre poésie, surtout teutonne, depuis Metropolis, avec sa magnifique et maléfique femme mécanique, jusqu'aux synthés inspirés, ludiques et lyriques, de Kraftwerk.
SupprimerLa technologie, McLuhan ne me contredit, constitue de facto une extension (du domaine de la lutte) du système nerveux, de nos corps et de nos esprits ; à nous de savoir nous en servir au lieu de la servir, d'en être asservis, par exemple par de misérables nantis, oui.
La révolution, en astronomie aussi, revient en arrière, la révolte, Camus pas d'accord, se déleste d'idéologie et préfère au programme, à projeter, à réaliser, à reprogrammer, l'immanence de l'épiphanie, tant mieux, tant pis.