L’Affaire Thomas Crown, 9 semaines ½, Une nuit en enfer : Leçons de séduction

 

Une « raison de vivre » ? Des raisons de revivre…

Trois actrices, trois esthétiques, trois décennies, trois scènes célèbres, aussi : L’Affaire Thomas Crown (Jewison, 1968), 9 semaines ½ (Lyne, 1986), Une nuit en enfer (Rodriguez, 1996) constituent ainsi une apocryphe trilogie, où il ne s’agit jamais, en réalité, contrairement à l’évidence des apparences, de susciter le désir sexué, masculin, mis en abyme, mais de s’amuser avec, en trio de duos dotés d’un féminisme soft, en instants très divertissants, où les femmes affables, au propre et au figuré « mènent la danse », sinon la partie, bien sûr d’échecs, « contre, tout contre », affirme la fausse misogynie de Guitry, des mecs aussitôt émerveillés, énamourés, rendus muets, spectateurs au carré d’un beau numéro ni maso ni phallo. N’en déplaise aux adeptes déplaisantes du « male gaze », l’infaillible Faye, la callipyge Kim, la souple Selma ne simulent des muses obtuses, des silhouettes suspectes, sexualisées, instrumentalisées, le « deuxième sexe » au cinéma tu exploiteras, mon fils cinéphile, OK, Kipling ? Ce qui se joue sur la scène cosy, domestique, en public, excède l’anathème, l’onanisme à thème, relève de la mise en scène, de personnages, pas de personnes. En Européen « bon teint », on peut certes regretter cette invisibilité causée par une survisibilité, philosophie phénoménologique de La Lettre volée, plutôt pas encore trouvée, du policier Poe, ou de l’imagerie « interdite aux mineurs » néanmoins mateurs. Puisque le corps disparaît, par la focalisation effacé, par sa représentation normée remplacé, apparaissent à sa place la complicité, la réciprocité. Sans une seconde remettre en cause les performances parfaites de Mesdames Dunaway, Basinger, Hayek, il nous faut tirer notre chapeau – tu peux le garder, bébé, accorde Cocker – à Messieurs McQueen, Rourke, Tarantino, grâce à la grâce et au silence éloquent desquels le show fonctionne, d’ailleurs applaudi comme il convient par le comparse Clooney, « who else? », en effet.



Qu’elles subissent l’influence facile du suggestif et du lyrisme des années 70, du clip à contre-jour des années 80, du happening entre copains/complices des années 90 ; qu’elles optent pour le stratégique, le chorégraphique, l’acrobatique, les séquences sélectionnées, poétiques et politiques, ne se préoccupent de sexualité, ne se soucient de sensualité, carburent au regard, délestées du moindre désespoir. Les revisiter en 2021, temps clivant, obligation à la con de choisir son camp mécontent, permet de mesurer l’écart, revient vite en définitive à en saluer, voire célébrer, la tendresse, la drôlerie, la courtoisie, réussites iconiques de cinéastes mésestimés (Jewison) ou guère estimables (Lyne & Rodriguez). Joueuse malicieuse, à mauvais perdant désarmant, embrassant, en travelling tournant, colorant, vraie-fausse effeuilleuse à domicile et sur la terrasse parmi les buildings, ah, le gant de Gilda (Vidor, 1946), dorénavant autant blanc que son haut, que ses bas, pourquoi pas, Lilith du Mexique, à python placide, tout sauf féroce, cadrée au steadicam sous le charme, Faye, Kim, Salma nous (re)font leur cinéma, sourient à leurs partenaires ni puritains ni pervers, décident ou esquivent, après ces remarquables et remarqués préliminaires, de « s’envoyer en l’air », à leur convenance, en toute élégance. En dissidente, en coda, revoilà Salma, rebaptisée Lola, cette fois devant la caméra du rejeton transi de Jacques Demy, pardi, accomplissant à l’occasion de Americano (2011) une seconde danse davantage de souffrance, acide, dépressive, en plan-séquence de fatigue envers l’Amérique nordiste, on la comprend, on compatit, ému à la mise à nu pudique, mélancolique, sous escorte accorte de la reprise d’un titre explicite de Rufus Wainwright, voui, lui-même admiratif d’une fameuse Frida (Taymor, 2002), oh là là, on n’en sort pas, on n’en finit pas, cf. les chères « enchères », régressives et ludiques, qu’en pense Linda (Fiorentino) ?, de Dogma (Smith, 1999)… 

Commentaires

  1. « I lucci che traversiamo, sono archeologie della memoria, desideri sconosciuti, ricordi proibiti d’uno mondo scomparso. »
    https://nightthoughtsandartefacts.wordpress.com/2018/10/13/la-bocca-del-lupo-un-film-de-pietro-marcello-2010/

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    1. https://lemiroirdesfantomes.blogspot.com/2016/02/lonely-places-blow-up.html

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