Kaw : Le Corbeau


Moins drôle que Corman, moins sérieux que Saura, sans le fromage de La Fontaine.


Après l’élevage de The Breed, le plumage de Kaw : poursuivons dans l’imagerie animalière vénère, cette fois à coup de corbeaux dopés à l’ESB sévissant précédemment sur la ville provinciale d’Evermore, Poe s’en marre encore. Comme dans Petit paysan, un exploitant tente de dissimuler aux autorités la maladie transmissible ; originalité relative du script, il s’agit d’une famille de Mennonites moins portés sur l’érection de grange que les Amish selon Peter Weir, revoyez fissa Witness. Le patriarche à la barbe de prophète, ou de père Noël peu amène, possède un puits à la Ring où planquer le cadavre de la laitière, vite rejointe dans sa tombe humide par une prof « d’anthropologie culturelle » éprise de photographie, accessoirement souris du shérif démissionnaire et sur le départ par amour, bonjour. Hélas pour lui, les mauvais esprits rajoutent pour nous, tout va aller de mal en pis, terme idoine, durant ces deux jours d’apocalypse de poche, achevés dans le sillage d’une hécatombe point immonde par le sacrifice héroïque, à l’essence, d’un poivrot local conducteur de bus scolaire, surveillé avec bienveillance par Betty la serveuse, et une aube de rémission, les oiseaux à la con in fine décimés par la pathologie ingurgitée avec voracité, contrairement aux stellaires étrangers de Wells dans La Guerre des mondes, leur système immunitaire idem détruit par notre salvateur bain de microbes planétaire. Pas de happy ending pour autant, puisque le représentant épuisé des forces de l’ordre, enfin rentré chez lui pour remplir volontiers son devoir conjugal retardé, succombe avec sa moitié à un ultime essaim qui les attendait au premier, quelle malchance ! On ironise mais Kaw se suit plutôt sans déplaisir, en dépit de sa facture objectivement télévisuelle, de son récit régressif, binaire, qui voudrait bien surfer, en 2007, sur l’épidémie de grippe aviaire, de sa distribution assez insipide où surnage le vétéran Rod Taylor, comme chacun sait « l’inséparable » de la chère Tippi Hedren dans l’insurpassable Les Oiseaux.


Jadis, Daphne du Maurier, Evan Hunter et Alfred Hitchcock se fichèrent de donner une explication au phénomène d’agression, immergeant le lecteur puis le spectateur dans un pur mystère métaphysique au filigrane écologique, voire eschatologique. Autres temps, comportements différents, infantilisme de fait divers, le survival volatile carbure aux carcasses contaminées, au secret de la communauté, au risque d’implosion, de désunion, des États-Unis mis en danger de l’intérieur, par un groupuscule au fort accent allemand. Trêve de lecture politique inique, savourons cet humble divertissement à sa mesure, sans imposture ni rature. Avec sa dizaine d’acteurs tchèques volants, volant la vedette aux bipèdes convenus du cru, avec son atmosphère de début d’hiver presque polaire en Ontario, mélange d’humidité, de boue, de neige aussi sale que les âmes, avec son évidente volonté de ne pas refaire, singer, démarquer le modèle totémique précité, Kaw séduit, au moins durant son visionnage indulgent, idéal pendant un gris après-midi dominical, et tient pas trop mal la distance, tandis que L’Écorché, du similaire signataire, après un prologue intrigant, à la Rembrandt, s’essoufflait illico, jusqu’à l’amnésie. Réalisateur, monteur, superviseur des effets spéciaux, Sheldon Wilson, à défaut d’une vision, d’un discours, d’une radicalité, y compris à la TV, possède suffisamment de foi dans son matériau et de générosité envers le passé, cf. son délicieux entretien avec le défunt Rod, pour éviter de se faire dépecer par le bec et les serres de votre serviteur. Au final, son téléfilm s’en sort mieux que le piètre Les Oiseaux 2 et affiche une petite tenue visuelle, conflictuelle, s’autorisant même une lapidation de véhicule iconique over the top, via des balles de golf colorées pour raccorder à la nuit, apprend aux curieux le technique making-of.


Jamais submergé par les CGI, distrayant et tant pis pour le passionnant, Kaw, tout sauf une merveille, ne mérite pas d’être descendu au gros sel. Si vous le croisez un soir, tard, sur le câble ou dans un bazar, à ma modique image, prêtez-lui quatre-vingt-dix minutes de votre vie, de votre cinéphilie, au lieu d’alimenter le compte en banque déjà bien garni des cyniques, des nostalgiques, des sermonneurs, des zauteurs, des officiels du « septième art ». De l’art, du cinéma, tu n’en trouveras guère ici, l’ami(e), et pourtant tu pourrais t’amuser à ce spectacle ni bâclé ni exagéré, pétri de professionnalisme et d’honnêteté. Au miroir des fantômes se reflète itou, depuis toujours, souvent, le ciné dit du samedi soir et des méconnus, des  mal-aimés, des oubliés, des marginaux, mecs, meufs ou corbeaux...       

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