L’Île nue : Le Nouveau Monde


L’Île nue s’avère une vraie réussite qui relit Les Travaux et les Jours à la façon nippone. Moins calligraphique que Mizoguchi (qu’il assista), moins énergique que Kurosawa, moins panthéiste que Ichikawa, moins ironique que Naruse, moins mélodramatique que Kitano (dans notre bouche, il ne s’agit pas d’un reproche) mais plus cruel qu’Ozu, Kaneto Shindō filme au plus près de ses acteurs une fresque domestique et cosmique, un huis clos zen et musical (la partition de Hikaru Hayashi, en forme de valse, rappelle les compositions de Jarre pour Franju). L’amateur de film d’horreur, qui s’intéresse aussi au cinéma X, frémit à la violence d’un seau d’eau renversé (et de la gifle qui s’ensuit) ou jeté avant un hurlement maternel de révolte et de souffrance, à la sensualité furtive d’ablutions dans un bidon. On pense à Terre sans pain, à Stromboli, au Septième Sceau (petit cercueil blanc porté par un cortège d’enfants sur une colline, en écho à la danse macabre médiévale iconique de Bergman). Sans emphase métaphysique ni poésie publicitaire (qui cite Malick ?), le film illustre l’acceptation de la vie jusque dans la mort – scandale banal de la perte d’un enfant – par d’autres voies que celles de Bataille, certes, mais s’avère ainsi, sous son soleil camusien, dans sa géographie culturelle japonaise et universelle, un poème érotique populaire (d’où son succès) et radical (pas un mot parlé en 1960, et la TV présentée comme une machine extra-terrestre) qu’il faut découvrir (merci Mocky !). 


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Les Compagnons de la nouba : Ma femme s’appelle Maurice

La Fille du Sud : Éclat(s) de Jacqueline Pagnol

L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot : Le Trou noir