Il était une fois en Anatolie : Lost Highway


Suite à son visionnage sur le site dARTE, retour sur le titre de Nuri Bilge Ceylan. 


Excellente comédie noire, tragique et atmosphérique, entre Beckett et Lynch. Comme celle d’Aldrich, cette bande de flics souffre d’une fatigue existentielle face à la banalité, la trivialité du mal. Le numérique crée un lien avec Dark Country, autre voyage au bout de la nuit en voiture. La plénitude formelle ne montre pas les images tremblées au caméscope sur le lieu de l’enterrement. Au village ou ici, les vivants et les animaux tourmentent les morts. Le conte, inclus dans le titre leonesque, se dit au coin du feu de la maison du maire, et l’on parle beaucoup, afin de masquer le vide du sens enfui dans le temps réel de la nuit immense ou du jour laiteux. 

En Anatolie comme ailleurs, on mange du miel, on boit du Coca-Cola, on soigne un enfant malade, on se regarde dans un miroir (en regard caméra) et le talon d’une chaussure révèle une impatience érotique. Le visage féminin devient épiphanie, sculpture, souvenir, masque de haine ou de chagrin. L’œuvre s’achève là où commencent les séries policières feignant l’expertise scientifique, par une éprouvante autopsie sonore et hors-champ, qui ne résout rien. Le docteur à la joue tachée de sang niera la réalité du cadavre, racontera un autre conte, dont la morale reste à la discrétion du spectateur. La double enquête (celle du commissaire, celle du procureur sur sa propre femme suicidée) aboutit au constat d’un impossible accord entre les sexes et, peut-être, à un nouveau départ entre une mère et son fils.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Les Compagnons de la nouba : Ma femme s’appelle Maurice

La Fille du Sud : Éclat(s) de Jacqueline Pagnol

L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot : Le Trou noir