5ème set
Un métrage, une image : Le Jardin des
Finzi-Contini (1970)
À la mémoire de Lino Capolicchio (1943-2022)
Désadoubée par Bassani, le romancier
à succès, l’estimable scénariste de La Marchande d’amour
(Soldati, 1953) ou Senso (Visconti, 1954) condamnera, pas totalement à tort, le
« consumérisme cinématographique » du film acclamé, critiqué, à
procès, récompensé, à Berlin & Hollywood, consensus de quasi
amnésie, fi des forces de l’Axe et des Alliés, vingt-cinq années après,
dommage, Dumas, du meilleur ennemi De Sica, cette partie, pas juste de tennis, perdue d’avance, sans seconde
chance, rappelle celle de Blow-Up (Antonioni, 1966), signée
d’un autre cartographe notoire de Ferrare, ses rues, ses spectres, son
brouillard. Hemmings immortalisait un cadavre idem de verdure, assistait à une évaporation de situation, une
dissolution d’abstraction, puis un mime imitait une balle abolie. Du simulacre
au souvenir, la disparition du réel s’avère définitive, deuil médical + déportation
finale, familiale, de communauté rassemblée, homogénéisée, décimée. L’image de
cinéma, art funéraire, spectaculaire, (dé)montre la mort au milieu du merveilleux
décor, recèle en elle le poids du passé ressassé, réactualisé, associe en stéréo,
simple messieurs complexe, les fantômes réflexifs et collectifs de Michelangelo
& Vittorio. Revoici à nouveau des hommes à vélo, une belle relation
paternelle, viva Valli, qui renvoient vers Le Voleur de bicyclette (1948), mais
on gomme Rome, on passe du prolétariat à pied, désespéré, à une bourgeoisie
sémite, autarcique, Juifs riches et oisifs, vite renversés par le vent très
mauvais du guide risible et sinistre, en salle, en ville. S’il s’inscrit sur le
seuil du sein malsain de la hantise nazie et fasciste des italiennes seventies, de Cavani (Portier
de nuit, 1974) à Pasolini (Salò ou les 120 Journées de Sodome,
1976), de Brass (Salon Kitty, 1976) à Scola (Une
journée particulière, 1977), De Sica parvient à rendre présent, à
chaque instant progressant, le contexte anxiogène, dialoguant donc à distance
avec l’étouffant L’Œuf du serpent (Bergman, 1977). Le mélodrame provincial,
sentimental, se termine ainsi sur une série de radieux ralentis, un terrain
déserté, décoloré, comme en écho à celui des parqués emportés du Pianiste
(2002) de Polanski. La préciosité un peu dépassée, a priori, du style de
Bassani, mimèsis du sentiment d’élection, de sélection, du curieux prénom à la
con, écorché in fine par les pseudos-républicains mussoliniens, d’une héroïne
lucide, tout sauf magnanime, cf. la scène de faux voyeurisme, de vrai défi, qui
dérangea Sanda, le subjectif récit de désamour à rebours, le commencement au
cimetière, le cinéaste pose à leur place, sinon leur oppose, une simplicité
raffinée, des zooms zélés, des gros
plans de visages remplis de jeunesse et de grâce, attention particulière à
Berger, une structure extérieure et une temporalité linéaire, en dépit d’une
poignée impressionniste de retours en arrière. Point proustien, point
hitchcockien, malgré des arbres aussi âgés que ceux de Sueurs froides
(1958), le jardin transalpin cultive l’échec, individuel, pluriel, poétique,
politique, le communiste et coureur Testi exécuté en Russie, la sirène martiale
tissée sur les ensoleillées funérailles. Les Damnés (Visconti, 1969) décrivait
déjà, en mode psychodrame, l’impossibilité de composer avec le diable sans y
perdre son âme, voire la vie. Ni l’appartenance au parti, ni l’argent alloué
aux colonies, ni un mur mimi, ni les (dés)illusions de l’émilienne-romagnole
aristocratie n’empêcheront la spoliation d’un paradis de toute façon en
catimini pourri, pollué par l’idée de supériorité, dévoré selon l’indolence du
déni. Coadapté par Pirro, plume de Petri sur Enquête sur un citoyen au-dessus
de tout soupçon (1970), escorté du lyrisme tourmenté du thème de Manuel
l’héritier, éclairé par Guarnieri (Médée, Pasolini, 1969) en lumière de
naguère, on songe au Zsigmond de Obsession (De Palma, 1976), pourtant
pourvu d’un dispensable requiem
d’éden, chant d’adieu en hébreu, on lui préfère la comptine de déprime du Donaggio
de Crawlspace
(Schmoeller, 1986), l’opus dépressif échappe
au soap révisionniste à la Holocauste,
mérite d’être revisité en version restaurée, fleur de malheur…
1969 Metti, Una Sera A Cena (Lino Capolicchio Ric...)
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=xhAv0JZNZR4
Merci de ceci : final frugal, "radeau" molto homo, chic et eschatologique, où Platon & Homère alimentent le duel doux-amer, assaisonné de la bossa sublime assez du maestro Ennio.
SupprimerEdda ou Milva ? Je ne choisis pas...
https://www.youtube.com/watch?v=2v5-OmRVuBk
https://www.youtube.com/watch?v=9ZfM2x-0z3Y