Le Chat qui vient de l’espace

 

Un métrage, une image : Buzz l’Éclair (2022)

Depuis Planète interdite (Wilcox, 1958) et L’Empire contre-attaque (Kershner, 1980), on sait que le psychodrame peut de surcroît se déployer dans l’espace, hyper ou pas, que l’ennemi intime soudain s’y matérialise, que la transmission s’assimile à une malédiction. Buzz carbure au « cristal » autant qu’à la culpabilité, Izzy aussi. Le premier éprouve une obsession de (dé)mission, ramener sur Terre les rescapés rangers ; la seconde, en sus « spaciophobe », ne se sent digne du pedigree de sa grand-mère statufiée, sinon ressuscitée, merci à l’hologramme sentimental. Toutefois le temps file, défile, vouloir revenir en arrière s’avère délétère, le messianisme vaut moins que le pragmatisme, la vie se vit, évolue, ici, la solidarité se substitue à l’individualité. Lorsque, coincé sous un cône coloré, le bien nommé Buzz Lightyear affirme en sourdine son héroïsme, son immobilisme, dépressif, figuratif, la jeune fille lui réplique, porte-parole du petit groupe cosmopolite, illicite, réuni sans cérémonie, point sans symbolisme, qu’elle veut qu’il les « rejoigne », non qu’il les « sauve ». L’union (re)fait donc la force, salut à celle de Lucas, un stylo devient vital, autrefois il flottait « au-delà de l’infini », pardi (2001, l’Odyssée de l'espace, Kubrick, 1968). À l’instar d’un certain Superman, idem déraciné, spectateur esseulé de testament filmé, écho de Brando, l’Éclair affronte in fine un familier adversaire (Superman, Donner, 1978 + Superman 3, Lester, 1983), une version vieillie, assombrie, dont la flotte de cyclopes colporte le prénom écorché, renversé. Sous sa nouvelle et ancienne identité, sous son armure de méchant mecha, Buzz au carré demeure un démiurge manqué, au fanatisme de passéisme, peu porté sur le paradoxe temporel, plutôt sur le reset à la truelle. Mais le mangeur de sandwich pas encore à la niche refuse d’effacer la réalité édifiée, à défaut d’augmentée, il (re)trouve en lui-même, en reflet, effaré, sa raison d’être, se libère de l’emprise mortifère des fantômes obsolètes, quitte, peut-être, incite le générique, à recroiser l’image de métrage de miroir mauvais. On le voit, nous voici assez loin de la série à succès des Toy Story, même si subsiste la nostalgie propice à la masculine mélancolie du studio de Là-haut (Docter & Peterson, 2009), Pixar, pas de hasard. L’associé Disney (r)apporte illico ses fondamentaux, anthropomorphisme et moralisme. Signe(s) des temps, de la société, du ciné de maintenant,  tout ceci s’assume gay friendly, affiche un féminisme soft, une représentativité-des-minorités ad hoc. L’Amérique déjà décrite, jamais détruite, pas une seule seconde (re)mise en cause, Frontière refondue en autarcie mimi, dôme à la Stephen King, au creux d’un décor de planète désertique, constitue une colonie consensuelle, hétéro et homosexuelle, blanche et noire, juvénile et âgée. Diariste idéaliste, Buzz ne fit pourtant le buzz, l’éponyme épopée fit peu de profit. Bien-pensant, bien dessinant, Buzz l’Éclair dut sans doute décevoir les aficionados des jouets animés, d’une âme dotés. Il s’agit en définitive d’une parabole pas drôle, d’une allégorie psychanalytique en mode réalisme numérique, qui évacue le romantisme, a fortiori interracial, affreux vocable, via un lesbianisme un brin bancal, comme si une femme et un homme, en somme, ne pouvaient expérimenter une amitié désintéressée, désexualisée, en dehors d’une dit-on différence d’orientation. Dépourvu de personnalité, démuni d’originalité, délesté de grâce, de style, Miyazaki peut dormir tranquille, ce codicille commis selon l’anonyme MacLane, séide du sérail, vise le dispensable.

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