Les Gens de la pluie

 

Un métrage, une image : The Crucifixion (2017)

Dix ans après le surfait Frontière(s), Gens fait du tourisme en Roumanie, « pays des vampires et des loups-garous », où « tout peut arriver », en effet, a fortiori (re)trouver la foi, pourquoi pas. Opus prosélyte inspiré d’un fait arrivé, à défaut d’avéré, le confidentiel The Crucifixion possède un premier plan d’incipit vidéo ludique, on le sait l’une des passions du cinéaste. L’exorcisme confine à l’exercice de style, au catalogue d’effets, spécieux plutôt que spéciaux, Ada Lupu n’en peut plus, nous non plus. Presque de l’autre côté du globe, à New York, un dialogue entre oncle et nièce se base sur les news : voici le curé et ses acolytes arrêtés, inculpés, dans l’attente de leur laïc et médiatique procès. Bill, magnanime, remémore à Nicole l’abc de l’objectivité, la journaliste juvénile s’en fiche assez, se casse et s’envole fissa, lestée d’un maternel trauma. Sur place, le village semble issu d’un western européen, l’aubergiste s’avère un brin raciste, un gamin gitan paraît un peu menaçant. De Friedkin (L’Exorciste, 1973), on passerait à Demme (Le Silence des agneaux, 1991), puisque interview en prison, avec un fanatique mais sympathique mecton ? Que nenni, les amis. Le scénario écrit en duo par les frères Hayes (The Conjuring, Wan, 2013) se révèle en vérité, je vous le dis, je vous l’écris, un mélodrame féminin à demi dissimulé sous une enquête suspecte. La fifille orpheline croise le frère vénère et l’amie jolie de la décédée supposée possédée, elle-même privée de lignée, partie puis dépucelée en Germanie s’occuper d’adoptés bambins roumains. Elle n’esquive l’évêque rationnel, elle découvre les différentes phases du rituel, dont le fameux « transfert », les psys apprécient. Le démon fonctionne donc à la contamination, il se transmet telle une maladie, une folie, jadis digne du registre de la sorcellerie, de la religion en dominante position, désormais étudiée, traitée, par la psychiatrie, remarquez l’inquiétant caméo de Maia Morgenstern, la Marie de Mel (La Passion du Christ, Gibson, 2004). Le communisme occis, le mysticisme ressuscite, tandis que le père Gabriel, remarquable, secourable, se jette soudain, en récit du moins, du haut de la cathédrale, diable. Notre Nicole, on se doit de le souligner, de lui pardonner, fantasme au sujet du prêtre honnête, quasi christique, elle confie, sinon confesse, ce qui la brise, ce qui la blesse, à savoir le cancer de sa mère, sa décision de refuser in fine un nouveau traitement a priori performant, son désir d’être accueillie au sein du Ciel éternel, amen. Nicole se sent coupable du désaccord final, je ne crois pas à tout ça, désolée, Mamma, cible facile du preste Agares. Un rayon de soleil, un « doigt de Dieu » selon l’ancienne très regrettée, lui indique un cimetière, les dates coïncident, la causalité (ré)ordonne le monde, en modère l’obscurité propice à tout plaquer de sa rassurante voire divine lumière. Le final à la ferme offre à Nicole, à présent trempé punching-ball, la miséricorde ultime, celle de revoir sa mère. Le couple plus en déroute s’en sort et sort au soleil, éprouvés victorieux d’un survival céleste et sérieux. Produit par Peter Safran, le financier des précités Conjuring, de La Nonne (Hardy, 2018) aussi, de Buried (Cortés, 2010), Annabelle (Leonetti, 2014) ou The Belko Experiment (McLean, 2016), éclairé con brio par Daniel Aranyó, The Crucifixion affiche un estimable classicisme, mis au service des British Sophie Cookson & Brittany Ashworth. Flanqué d’une fête folklorique et bestiaire à la Lucifer, mouches symboliques, araignée sortie du nez, pubis envahi de fourmis, Gens frise certes l’indigence, l’anecdotique, le dogmatique. Il affiche, toutefois, sa propre foi, puissance(s) du cinéma, miroir des mortes, moralités modernisées…       

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