L’Idole d’Acapulco
Un métrage, une image : Buster (1988)
De ce buster ni block ni ghost, même si Collins y casse une
vitrine, y vole un costard, on connaissait surtout une célèbre chanson
sentimentale, coécrite par deux dames, Toni Wine & Carole Bayer Sager, sur
une mélodie mimi de Muzio Clementi, thème de double départ, instrumental et
vocal, ici servi par les cordes ad hoc d’Anne Dudley, déjà directrice
d’orchestre puis compositrice de The Crying Game
(Jordan, 1992), The Full Monthy (Cattaneo, 1997), Oscar à la
clé, olé olé, ou Elle (Verhoeven, 2016). Mais le métrage un peu trop sage, en
tout cas au goût relou de critiques conservateurs, (pré)occupés à dénoncer son
révisionnisme supposé, ne se limite Dieu merci à une comédie romantique, sur
fond de fait divers de naguère. La reconstitution d’hier, les Britanniques
savent parfaitement faire, au ciné, à la TV, les costumes, les décors, les
accessoires, ressuscitent ainsi les sixties
du Royaume-Uni, où l’on regarde, essaie de regarder, Rawhide, va voir Lawrence
d’Arabie (Lean, 1962), a fortiori sous la pluie, évoque encore
les bijoux d’Elizabeth Taylor, le fils de Jackie Kennedy, la fameuse affaire
Profumo, les incontournables Beatles, un combat de Cassius Clay. À Londres, en
1963, tout cela va de soi, constitue un contexte sur lequel peut éclore le coup
du siècle, attaque d’un train postal, commise sans armes, sans drame. Edwards
et ses amis, d’abord à demi ennemis, un peu par lui trahis, désirent donc la « belle
vie », presque à la Distel, cependant Sacha l’an suivant préviendra :
d’amour démuni, à rien ne rime tout ceci, hédonisme sexuel ou consumérisme
ponctuel. Éboueur branleur, « grand bandit » dégourdi de petit
acabit, Buster suscite, via sa
débrouillardise, sa bonhomie, une mesurée sympathie, aussi sa sincérité à
l’annonce en douce d’une fausse couche. Toutefois il ne ressemble en rien à
Robin des Bois, possède une part sombre, une part d’ombre, qui va pouvoir se
déployer pendant la période pas drôle d’exil forcé, ensoleillé. Dans Fun
in
Acapulco
(Thorpe, 1963), un autre chanteur acteur, victime du vertige, pauvre Elvis,
rentrait guéri, épris, chez lui, aux États-Unis désunis. Dans Buster,
Phil s’affiche, fichtre, homophobe et xénophobe, le couple en déroute, qu’il forme et déforme avec Julie Walters, se révèle au Mexique très touristique un
modèle de médiocrité délocalisée, incapable de correctement bronzer, dont
l’esprit de petite bourgeoisie manie l’acrimonie, la nostalgie. June exigeait
la « sécurité », pour leur fille, leur futur bébé, elle se rêvait
propriétaire, à proximité de sa mère, elle-même guère fan du fantasque gendre. Écrit
et réalisé par un tandem de télé, éclairé
par Tony Imi (Les Loups de haute mer, McLaglen, 1980 ou Enemy,
Petersen, 1985), produit par Norma Heyman (Les Liaisons dangereuses, 1988, Mary
Reilly,
1996, Frears en reflet), incluant les caméos d’Anthony Quayle & Carole
Collins, la sister du batteur, l’opus n’applaudit, n’accomplit aucune
apologie, ni du casse, ni de la masse. En sus de rappeler que l’argent le
bonheur ne saurait (r)acheter, il sonde davantage la misère morale de
prolétaires pourvus à l’imprévu de capital, toujours se méfier de ses souhaits,
en effet. En filigrane du film de classes, du feel good movie d’impasse, prison et emploi « provisoires »,
terminé en regard caméra dédoublé, sourire d’image arrêtée, chassez le naturel,
il refleurit fissa, se dessine en sourdine une satire assez lucide, quasi droitiste. Revenant vers sa
rue, la version vieillie de l’Artful Dodger de Dickens traverse une passerelle,
en écho à l’escalier de Remorques (Grémillon, 1941), tandis
que l’enfer paradisiaque à plat « épicé » fait resurgir le souvenir
de celui de la casbah d’Alger (Pépé le Moko, Duvivier, 1937).
Entre réalisme, politique plutôt que poétique, et masculine mélancolie, refiler
au foyer, refêter la famille, réhonorer la bien-aimée, quitte à en payer le
prix inique ; entre société de consommation et thatchérisme à l’horizon,
le doux-amer Buster détend et désespère, perdure en clair-obscur.
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