Lost Highway

 

Un métrage, une image : Les Putes de l’autoroute (1991)

Tu devines vite qu’avec un tel titre, voici une virée de trivialité. Le prologue caracole, club coloré, chansonnette suspecte, déjà méta, refrain résumé, explicite et emblématique : « J’suis la hardeuse à tout l’monde/Au bout du sexe, je suis immonde  ». À la suite de cette vraie-fausse bande-annonce, censée exciter le spectateur, tant pis pour l’auditeur, prestation reprise plus tard, ne perdre à aucun prix, Marc Dorcel musique et produit, une image du métrage, diluer la durée, recycle cynique, comme un écho d’archéo aux boucles  classées X de jadis, le film commence au moyen d’une mise en abyme au carré, d’une mise en scène de l’obscène encore sonore, double décor. Au creux de l’habitacle, au fil de la nuit, de la cibi, une troupe de types se divertit, presque s’astique, en écoutant la gymnastique d'un confrère camionneur enculeur, caméo miso de Michel Ricaud. Boire ou baiser, il faut préférer, bière ou sperme, pas idem, valide le docte hédoniste Delerm. Juste avant, au tout premier plan, le routier trafic faisait fissa resurgir le souvenir de la coda érotique, ironique, de Kafka du Verdict. À notre époque en toc d’audiovisuel à la truelle, milliards de portables, de possibles cinéastes, pas un seul réalisateur de valeur, crève-cœur, la séquence semble surréaliste, assemble le dirty talk entre mecs et l’ubiquité d’exiguïté, car la cabine compacte la copulation, puisque sur la vitre se dépose la buée de l’habituée des bars. « Comme une nympho en chaleur/ Vendre mon corps sur pellicule quel bonheur » susurrait la star du soir. La seconde blonde arbore des ongles et des jarretières raccord, le rose pourpré s’impose parmi le bleu du blue movie éclairé par Serge de Beaurivage, pas (de) dommage. Le lendemain matin, « l’Amazone » en Porsche motive ses filles, Sandrine Van Herpe repère aux jumelles des compatriotes, la communication radio précède le rapport illico, Mademoiselle Adams ne désarme. Via Le Convoi (Peckinpah, 1978), Kris Kristofferson matait en hauteur les gambettes bronzées d’Ali MacGraw motorisée. Ici, l’opulente poitrine de Tracey suffit, affirment Meyer & Fellini. La bien nommée « Feuille de rose » récolte en bouche et recrache sur ses lèvres douces la sève maousse, étalon à l’unisson, blanc baiser, allez. Tandis que l’on commente s’accouplent ailleurs les amantes, cuni sur le capot de la Peugeot, des hommes en binôme se passionnent, Marc ose le romantisme synthétique. Au milieu de la chambre de motel, la belle observe l’escroc rigolo, dissimulé sous une large carte aux trois trous d’orifices stratégiques. En POV, l’allongé lui demande de se désaper, elle s’exécute, amusée, elle répond au souhait de celui désireux de « ne pas faire l’amour comme tout le monde ». « Fais-moi souffrir » puis indolore sodomie, portefeuille dérobé, arnaque « réparée », notre héroïne en noir intrépide file vite au volant du rouge bolide, féminisme soft, capitalisme hot. Tenessy, ex-Miss à pendants crucifix, Madonna sévit aussi, officie, regard caméra sympa, cette fois, elle ne (dé)chante pas. En contre-plongée, en plein jour, remplie d’énergie, sans amour, elle chevauche, fait tanguer l’immaculé carrosse. Sa porte étroite mise à profit, une « accidentée » lui succède, mais les ambulanciers décidés optent pour le topless, une baise à sirène, la sirène américaine s’exprime with et dans sa langue. Glissée au sein d’un pneu Rubber (Dupieux, 2010) un peu, la fille fait un heureux, alternés trio et duo, sodo sur lavabo, miroitée, reflétée, traîtresse d’escalier, la maquerelle recadre la rebelle. À la cabine du véhicule se substitue celle du téléphone, salut à Hitch-cock, vitre léchée, fi du lèche-vitrine, saynète muette, scorée style muet. Une table découpée à la tronçonneuse scelle l’indépendance, codicille de catfight. Libérée aussitôt, son abricot tout chaud dégusté sur un gros congélo, la chanteuse heureuse s’occupe de son homme, guère accro au jeu vidéo. L’épilogue de promesse et de départ conclut donc sur une note d’espoir l’opus d’émancipée. Emporté prématuré, cruelles Seychelles, Ricaud signe ainsi un ouvrage qui ne « déroute » ni ne « décoiffe », jaquette malhonnête, sorte de divertissement d’antan, sériel et sentimental.  

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