La Petite Bande

 

Un métrage, une image : The House of Seven Corpses (1973)

Celle de Hawthorne & May (The House of the Seven Gables, 1940) possédait donc sept pignons ; celle du sieur Harrison dispose de sept macchabées in fine portés au carré, car la vie imite l’art dare-dare, non le contraire, ma chère. Téléaste pour les enfants petits et grands, notre Paul, point apôtre, signe ainsi un film orphelin, seul essai au ciné, pourtant coproduit par la Television Corporation of America, pardi. Au croisement du contemporain La Nuit américaine (Truffaut, 1973) et de l’increvable Agatha Christie, ce huis clos rococo, construit en boucle bouclée, désormais disponible en ligne, via une version (française) assez superbe, qui met en valeur le beau boulot du dirlo photo Don Jones, mérite son exhumation, métaphore à saisir ici au sens littéral, létal. Un réalisateur spécialisé dans les opus dits horrifiques, obsédé par le fric, le sien, time is money, prière de se presser, investit une maison mausolée, au gothique graphique, douée d’un escalier à la Orson selon La Splendeur des Amberson (1942). L’équipe artistique et technique, réduite, s’agite sous les directives et surtout les invectives du type tyrannique, comparé auquel Pialat paraît un modèle de diplomatie. Comme chez Shirley (Jackson) & Wise (The Haunting, 1963), les vivants se souviennent des morts, envahissent leur décor, les affrontent, finissent au fond de la  tombe, tandis que le zombie, muni d’une humide Ophélie, s’y enfonce in extremis, coda douce-amère de cimetière, au freudisme en sourdine. Sur le mur de la majestueuse masure, deux cadres vides attendent les nouvelles victimes, l’héritier enrôlé, lecteur taquin du bouquin des décédés tibétain, de quoi inquiéter sa mimi petite amie, la noyée nue précitée, se transforme fissa en séide putride. Le dictateur quand même doté d’un cœur pleure sa pellicule mise à la lumière, mise en l’air, plus que sa team décimée, se reçoit sur soi la lourde caméra, ça lui apprendra. Du suicide à l’homicide, du drame au psychodrame, de l’Histoire à l’histoire, de l’authenticité à l’artificialité, de la nécromancie à l’acrimonie, le film autofinancé manie le reflet, met en abyme le tournage documenté d’une série B, accumule les coups de théâtre, voire de Trafalgar, chaticide et tentative avinée de viol en prime. L’actrice âgée, malédiction hollywoodienne, ancienne prostituée, passé rappelé, perd Cleon et la raison, zigouille l’agresseur à postiches, se pend ou se fait p(r)endre, chiche. Tourné à Salt Lake City, à l’intérieur d’un manoir de gouverneur, The House of Seven Corpses constitue l’acte de décès d’un certain ciné, celui représenté par son casting principal solide, où l’imputrescible Carradine s’appelle Price, pas Vincent, se prénomme Edgar, pas Poe. Madame Domergue domine en scream queen en crise, vraie-fausse sorcière avide de sexe et de tendresse, Mademoiselle Wells apporte une bouffée d’anxiogène, Ireland ne tremble. En écho aux films classés catastrophe de l’époque, à leur parterre de stars à moitié par terre, déjà en retard, le requiem amène, sarcastique, sympathique, affirme le cinéma, fantastique et fantomatique ou pas, en art funéraire, machinerie de mystère, dédale de pierre tombale, entreprise collective tragi-comique. Si l’objectif confère à qui s’y risque une fragile immortalité, il enregistre le(ur) trépas au travail, divertissement dérangeant, dont la dimension méta en définitive renvoie vers un irréversible destin commun, memento mori, si.  

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