Austin Powers
Un métrage, une image : Elvis (2022)
L’épuisant Luhrmann, réalisateur
frimeur, qui commit aussi les idem
anecdotiques et pachydermiques Moulin Rouge (2001) et Gatsby
le Magnifique (2013), ressert les restes du funeste festin, pendant
près de deux heures quarante-cinq, comme si le spectateur possédait assez de
temps devant lui pour subir ce monceau pas beau d’insipides inepties. Son dispensable
biopic monté à la MTV, délesté de la
moindre musicalité, de la plus petite intimité, pourvu d’une profondeur de soap, cafi de fric, en dépit d’une a priori
divergente perspective, se réduit à la doxa, au digest, à une superficielle et sempiternelle chanson de geste, en
sus à prétentions à la con sociologiques, puisque CV telle une traversée
historique de l’Amérique nordiste. Lui-même d’ailleurs auteur d’un téléfilm
biographique plutôt sympathique (Le Roman d’Elvis, 1979), créateur
authentique, poétique et politique, Carpenter devrait ricaner à proximité de pareille
pièce montée, montagne de souris d’Australie, la Warner souvent s’y aère.
Ressortir le récit ressassé, réchauffé, renouvelé via une voix off, en VO,
parole(s) d’escroc, « colonel » en clair « alien », puis
« apatride », pouvait sembler une défendable idée, sorte de
révisionnisme en rime à l’homonyme du réussi Histoire de Judas (Ameur-Zaïmeche,
2015). Hélas, à l’instar de l’utilisation toujours stérile, jamais subtile, du
daté, connoté, split screen, Elvis pâtit de l’évidente
absence d’un point de vue, bien ou malvenu, recycle en somme le cycle
d’épisodes, sinon les stations, d’un parcours quasi christique, terminé à quarante-deux ans, tu m’en diras tant.
Le kitsch de la direction s’additionne ainsi à celui de la représentation, le
personnage ne s’émancipe de sa persona,
le mélodrame ne déploie aucune âme. Autre amateur renommé d’écran divisé,
démultiplié, sillage de Lang, Mabuse & Montana (Scarface, 1983), De
Palma, on le sait, s’intéressa aux Doors, donc à Morrison, se décida en
faveur de Phantom of the Paradise (1974). La satire d’un système cynique
et sinistre, au capitalisme d’épicier, aux hérauts à électrocuter, à la niche,
Beef, fonctionnait de fait, esquivait l’écueil du carré, du signe médiatique et
algébrique identique répété, par conséquent annulé, cf. le portrait loupé du
déjà caricatural Berlusconi selon le d’habitude lucide Moretti (Le
Caïman,
2006), équilibrait l’abrasif au moyen du romantisme et du satanisme. Ici, in extremis,
des cartons de conclusion moralisent et rédiment, reviennent vite à la version officielle, procès de « Parker », Méphistophélès malade et
démuni, de Faust enfui, doux-amer, légendaire, à impact « culturel »,
sens duel, immortel, amen, le film a fortiori
preuve en prime. L’opéra patatras se finit sur un Austin Butler bouffi, l’obscur
acteur s’en sort avec les honneurs, en train de délivrer au piano, pas en solo,
manuel micro, Unchained Melody. Aussitôt se substitue le
modèle amène, je vécus de mes rêves au-delà, revoilà Sinatra, locataire de
casino illico en écho, je chantai
pour tout ça, l’acte de foi défait la fiction, le réel, sincère et
spectaculaire, existentiel et (paradis) artificiel, déconstruit la
reconstitution. La vérité bouleversée de Presley, icône incontournable, totem
étasunien humain trop humain, se situe ici, secondes d’outre-tombe, ressuscite
sur disques, films (King Creole, Curtiz, 1958), archives. Le
vrai-faux remake du Scarface
(1932) de Hawks découpait à la tronçonneuse sudiste l’ironique déprime de l’American Dream ; la liesse et la tristesse du destin guère serein du presque
natif de Memphis, de l’emmuré de « mausolée » doré, coloré, à main
armée, accro à la TV, collectionneur de succès et d’excès, concentré d’extase
et d’ersatz, étalon d’édification et de démolition, en définitive excèdent l’individuel, à sa dépressive décennie servent de requiem.
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